Débuter en F1 n'est évidemment jamais facile, mais certains baptêmes du feu sont plus compliqués que d'autres. Ce fut le cas de celui de David Coulthard au Grand Prix d'Espagne 1994, puisque ce jour là, le jeune pilote d'essai était tout simplement chargé de remplacer Ayrton Senna chez Williams après l'accident mortel du pilote brésilien deux GP plus tôt.
Huit courses plus tard, Coulthard signait pourtant son premier podium au Portugal et un contrat définitif chez Williams. Parce qu'en F1, les meilleurs s'adaptent aussi vite qu'ils roulent.
La suite ? 9 ans chez McLaren à partir de 1996, 12 victoires (dont 2 à Monaco) et 3 dernières années chez Red Bull Racing entre 2005 et 2008. Une écurie qu'il a aidé à grandir, pour mieux la mettre sur le chemin de ses deux titres constructeurs en 2010 et 2013.
Onze ans après sa retraite, nous avons rencontré la légende écossaise pour évoquer ses 25 ans de carrière et le Grand Prix de Monaco.
Vous pouvez nous raconter votre première fois à Monaco en tant que pilote ?
DC : J'ai toujours entendu parler de Monaco en grandissant, et à 14 ans, mon père m'a dit que je pourrais éventuellement y vivre si j'arrivais à devenir pilote. D'ailleurs, j'y ai vécu avant d'y piloter ! Mais redécouvrir Monaco dans une voiture de course, c'est incroyable. Tout vous arrive si vite..
Si me souviens bien, je crois qu'à la fin des essais, en 1995, je devais être aux alentours de la douzième place dans une voiture faite pour gagner. Puis je me suis qualifié à la troisième place le samedi. J'avais donc réussi à faire quelques progrès entre temps.
Lors de la course, je me suis retrouvé coincé entre Gerhard Berger et Jean Alesi, et j'ai dû redemarrer dans une spare-car préparée pour Damon Hill. Le team a dû la modifier sur la grille, et j'ai réussi à atteindre la troisième place avant qu'un problème de boîte de vitesses ne n'oblige à m'arrêter. Je n'ai donc pas fini mon premier Grand Prix de Monaco.
C'est un circuit important dans l'histoire de la F1, notamment en raison des nombreux exploits réalisés là par différents champions et des challenges qu'il propose.
Quels ont été vos plus grands moments à Monaco ?
DC : J'ai gagné en 2000 et 2002, mais je me souviens de la course de 2001 parce que j'étais en pole position, et quand j'ai passé la première vitesse sur le tour de chauffe, ça a a coupé le moteur. Le logiciel avait buggé. J'ai donc commencé la course à l'arrière, mais réussi à la finir en cinquième position.
C'est très frustrant, parce que tu travailles dur du jeudi au samedi et qu'un simple problème technique ruine toutes tes chances de gagner. Nous avions beaucoup plus de soucis de ce genre à l'époque. Ton moteur pouvait exploser alors que tu menais une course, des choses comme ça. Ça faisait partie de la F1.
Sinon, gagner une course dans une ville où tu vis, c'est fantastique. Et je suis toujours impressionné par le Grand Prix en tant que fan, même si j'ai eu la chance de piloter pour des écuries qui me donnaient des voitures capables de le gagner.
Vous y avez aussi fait le premier podium de Red Bull en 2006. Vous vous souvenez de ce jour-là ?
Comme je connaissais bien les rues et que j'y avais déjà fait de belles perfs, j'ai eu la chance de saisir cette occasion oui. Mais c'était une journée particulière pour de multiples raisons. Pas uniquement parce que c'était le premier podium de l'équipe.
Je me rappelle notamment de Christian Horner sautant dans la piscine de la Red Bull Energy Station. Alors oui, je n'ai fait que deux podiums avec Red Bull Racing mais j'ai le trophée de Monaco dans mon appart, alors que je n'en garde que trois.
J'ai notamment celui de ma deuxième place sur le Grand Prix d'Espagne une semaine après mon accident d'avion et le trophée Lorenzo Bandini que j'ai gagné assez tôt dans ma carrière. Pour moi, ceux-là doivent rester à Monaco. Alors que ceux qui sont liés à des victoires sont en Écosse !
Quelle est votre partie préférée du circuit de Monaco ?
DC: Le moment où tu passes la ligne, parce que ça veut dire que tu as survécu à un nouveau tour ! En sortant du dernier virage, le Anthony Nodes, qui est une courbe lente de 90° assez étrange, tu pousses un soupir de soulagement avant d'entrer dans la ligne droite (qui n'est pas vraiment droite.) Ensuite, tu repars à zéro en entrant dans Sainte-Dévote.
Il y a aussi quelques virages à très haute-vitesse, comme le Bureau de Tabac ou la section de la piscine, mais le danger est partout. À Monaco, vous pouvez vous crasher à n'importe quel endroit. Les rushs d'adrénaline y sont donc uniques.
Comment avez-vous géré le fait de devenir soudainement pilote après la mort d'Ayrton Senna à Imola ?
DC: D'abord, je suis passé de mon canapé à pilote essayeur. J'ai appris à connaître les voitures et travaillé avec des gens comme Alain Prost, Damon Hill et Ayrton avant de courir moi-même.
Une voiture de course est une voiture de course. Et tu apprends sur le tas parce que rien ne peut te préparer à piloter deux heures dans Monaco au volant d'une F1. Que ce soit du point de vue physique ou mental. Tout le monde doit apprendre à lire la course et choisir les bons combats.
Vous pouvez nous raconter votre premier podium ? Et votre première victoire ?
DC: J'ai fait mon premier podium au Portugal en 1994, et j'y ai aussi gagné ma première course en 95. C'était mon 21ème Grand Prix. J'étais donc assez inexpérimenté, mais j'avais une très bonne voiture donc on peut se demander pourquoi j'ai attendu aussi longtemps ?!
J'avais déjà signé quelques pôles avant cette victoire, mais des erreurs ou des problèmes techniques m'avaient empêché de gagner avant. Le jour où c'est enfin arrivé, j'avais Damon Hill et Michael Schumacher derrière moi. Donc, quand tu as battu ton coéquipier et le meilleur pilote de sa génération, tu peux te dire que tu as passé une bonne journée.