Alinghi Red Bull Racing
© Samo Vidic / Alinghi Red Bull Racing
Voile

Des cyclistes à bord des voiliers de la coupe de l'America… pourquoi ?

Parmi les 8 personnes de l’équipage d’un AC75, le « power group » a la délicate mission de fournir l’énergie nécessaire aux différentes manœuvres et autres réglages du bateau volant.
Écrit par Axon Tanslate
Temps de lecture estimé : 5 minutesPublished on
Les AC75, voiliers qui vont disputer l’America’s Cup 2024, sont des machines technologiques de pointes, qui requièrent énormément d’énergie pour pouvoir fonctionner au top de leur performance. Les différents systèmes qui permettent de gérer les foils, ainsi que l’enchaînement des manœuvres, sont énergivores.
Trois sources d’énergie distinctes sont présentes à bord :
  • Package monotype pour les bras des foils : tout ce qui concerne le maniement des bras de foils (cant foils arms) est identique pour tous les concurrents. Il s’agit d’un package monotype sur lequel les ingénieurs des équipes ne peuvent pas intervenir. Le package inclut une batterie dimensionnée pour stocker l’énergie nécessaire au fonctionnement du système. Il est indépendant du reste du bateau.
  • Du sur mesure pour les réglages des flaps des foils et des safrans : un système électrique spécifique est ici développé par chacune des équipes et reste donc indépendant du mouvement des cant foil arms.
  • La force de l’équipage pour les voiles et les foils : le réglage des voiles et des foils requiert la force de l’équipage. Et c’est à ce niveau qu’en plus de l’aspect biomécanique lié à la préparation des athlètes du « power group », les ingénieurs ont la possibilité de développer des éléments pour que l’énergie produite soit disponible au bon endroit et au bon moment.
Marco Odermatt

Marco Odermatt

© Olaf Pignataro / Alinghi Red Bull Racing

Les jambes plus puissantes que les bras

On relèvera en premier lieu que sur tous les bateaux qui vont disputer la prochaine Coupe de l’America, les athlètes chargés de produire l’énergie du bord - le power group - vont utiliser leurs jambes plutôt que leurs bras. Comme des cyclistes.
Les Néo-Zélandais avaient été les premiers à intégrer des pédaliers à la place des traditionnels « moulins à café » à café en 2017. La solution avait été interdite en 2021, puis réhabilitée pour la présente édition. La réduction du nombre d’équipiers de 11 à 8 a notamment guidé ce choix. Les jambes sont en effet plus puissantes d’environ 30% que les bras et le grand fessier est le plus gros muscle du corps. Un cycliste de haut niveau peut produire une force de 400 Watts en continu pendant plusieurs dizaines de minutes. Ce chiffre qui peut être supérieur de 25% lors de sprints. Et, avantage non négligeable, le fait de pouvoir positionner les « cyclors » plus bas dans le bateau favorise encore une position plus aérodynamique.
Alinghi Red Bull Racing

Alinghi Red Bull Racing

© Samo Vidic / Alinghi Red Bull Racing

Notons que cette idée ne date pas d’hier, et que le 12mJI suédois Sverige qui a disputé l’épreuve en 1977, avait déjà tenté l’option des pédaliers pour actionner les winches du bateau. L’efficacité de l’installation avait été mitigée, et n’a plus été revue sur ce type de voiliers. Ailleurs dans le monde de la voile, un pédalier avait également été installé sur le trimaran vainqueur de la Route du Ruhm 2010.

Énergie produite en direct, ou stockée

Comme mentionné, les besoins d’énergie sont permanents sur un AC75. Les voiles et l’incidence des foils sont réglés en permanence par des systèmes qui agissent sur les différents éléments mobiles. Il s’agit dès lors de fournir de l’énergie au bon moment, en fonction des différentes phases de régates. Il faut par exemple disposer de plus de puissance lors des manœuvres, mais toujours avoir de l’énergie disponible pour les différents réglages lorsque le bateau est sur un bord. Des paramètres qui exigent une savante gestion, qui peut différer selon les choix techniques et stratégiques de chaque équipe.
« L’aspect de la gestion de l’énergie est spécifique à chaque bateau », nous confirme Steven Robert, ingénieur structure chez Alinghi Red Bull Racing. Et de poursuivre : « c’est un dossier compliqué, car on peut par exemple choisir de produire l’énergie en continu, à une puissance qui correspond à la capacité de production du « power group » durant une course, et fonctionner ensuite avec des systèmes de stockages et de redistributions qui peuvent prendre diverses formes. Ou alors, on peut aussi gérer la demande en direct, et solliciter le « power group » à différents rythmes selon les besoins. La réalité c’est que tout le monde se situe entre ces deux options. Et chaque choix à une conséquence sur d’autres aspects, notamment le poids, la réactivité et le temps de réponse pour obtenir la disponibilité de l’énergie voulue, etc. Je ne peux bien sûr pas donner de détails sur ce que nous avons développé, car il s’agit d’un dossier stratégique, spécifique à chaque équipe. »

L’athlète au centre de l’équation

Les performances physiques des membres du « power group » restent quoi qu’il en soit la base de la production de l’énergie d’un AC75. Et la préparation des « cyclors » à des efforts spécifiques est évidemment aussi importante que les autres pièces du puzzle comme le développement technologique.
En 2024, Arthur Cevey de l'équipe Alinghi Red Bull Racing se concentre intensément pendant l'entraînement à Barcelone

L'entraînement à Barcelone

© Olaf Pignataro / Alinghi Red Bull Racing

Les équipes ont d’ailleurs toutes choisi des athlètes déjà prédisposés à fournir les efforts demandés pour une gestion optimale de l’énergie à bord d’un AC75. Plusieurs stars du vélo, à l’image du Français François Pervis ou de l’Américain Ashton Lambie ont d’ailleurs rejoint des équipes navigantes.
Allez vite et au bon endroit pour remporter les régates de la Coupe de l’America imposera donc d’avoir à bord l’énergie nécessaire disponible à chaque instant. Incontestablement l’une des clés de la victoire.
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