Santo
© Nadia Tarra
Musique

Best Swiss Albums : Les 20 meilleurs projets suisses de 2022

L’album de la confirmation pour Rounhaa, l’excellent neuf titres signé AAMO ou encore la mixtape boom-bap de Di-Meh : 20 projets suisses qui ont marqué l’année 2022.
Écrit par François Graz
Temps de lecture estimé : 18 minutesPublished on
Une nouvelle vague d’artistes talentueux, un déluge de connexion hors frontières, des salles de concert qui n’en finissent plus d’être sold out…l’année aura été fructueuse pour la scène helvétique. En guise de rétrospective, focus sur les 20 projets suisses qui ont matrixé 2022, classés chronologiquement.

Santo – Santorama (18 février)

« Auparavant mon travail de producteur consistait à m'adapter aux souhaits et au style des artistes avec qui je bossais. J’ai choisis de devenir Santo pour me permettre de créer plus librement » nous confiait le lausannois en 2020. Une liberté qui, deux ans plus tard, lui permet de concevoir son premier album, « Santorama ». Si outre-manche, les projets de beatmakers sont légion, on ne peut pas en dire autant de la suisse, alors forcément, l’objet intrigue.
Quinze instrus pour dix-sept invités, un concept à la DJ Khaled donc, qui donne l’occasion au producteur de varier les sonorités en fonction des artistes présents. On retrouve ainsi des tracks pop trap comme « Millions », de l’afrobeat avec « Ayo » ou encore du R&B sur « What You Say Know ». L’autre force du skeud réside dans la pluralité de son casting. Figures bien connues de la scène helvétique (Slimka, KT Gorique, Rounhaa, Gio, Shaim, Badnaiy, DeWolph, Naomi Lareine, Comme1Flocon, Cinnay, Sekzy, Buds, Nativ, MAM) côtoient leurs homologues français (Mazoo, JMK$, Jäde).
Shoutout aux grandes heures du hip-hop tout en conservant un cachet actuel, « Santorama » interprète à sa façon le terme rétro-futuriste.

Mega – ZIMA (25 février)

La vraie richesse est intérieure. Tel est le leitmotiv de Zima Blue, personnage fictif de la série anthologique Love, Death and Robots. C’est justement cette philosophie de vie qu’adopte le rappeur Mega, et qui façonne son second long format, « ZIMA » paru en début d’année. Suite à « Mega Mode » et sa réédition en 2021, le natif de Vevey signe ici un 11 titres intriguant.
Ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est l’originalité de chaque instrumentale. Des sonorités conçues en majeure partie par Au6i qui collent parfaitement avec l’univers ésotérique de Mega. Ce dernier a convié trois mc au profil différent pour ses featuring : Tyler l’As sur le saccadé « FUCK YOU », Jeune Hustler avec « EAU GAZEUSE & SIROP » et enfin, Slimka via l’entêtant « 123 ». Ultime s/o à l’œuvre de Zima, « PISCINE À CARREAUX » conclut de fort belle manière le projet.

Empty7 – 2ON (25 mars)

25 Mars 2022. À peine sorti de la grisaille hivernale, l’auditeur est soudain replongé dans un monde brumeux, truffé de spleen et profondément addictif : bienvenue dans la 2ON. Troisième projet d’Empty7, l’EP alterne entre gros bangers calibrés (WOE) et titres intimistes austères (J/J, FINI), véritable marque de fabrique du natif de Bellevue depuis ses débuts. Écouter les œuvres de l’artiste cagoulé, c’est avant tout être immergé dans les limbes de son esprit torturé.
Avec un refrain obsédant, une prod cosignée drayki / fensh et une noirceur certaine, « NIKE COMPLET » s’avère être le morceau phare du projet. Guère avare lorsqu’il s’agit de featuring, l’helvète a convoqué un trio représentatif de l’éclectisme genevois : Rounhaa sur « Q5 », Gio sur « Délicatesse » et DeWolph, dont le timbre de voix autotuné sur « Chose » ne laisse pas indifférent. Toujours secondé de son fidèle Spectre, Empty7 a sans doute conçu là son disque le plus ténébreux, délectable purgatoire auditif dont on ne ressort pas indemne.

Makala – Chaos Kiss (1er avril)

Qui d’autre que le Mak embras(s)e le chaos sur scène tout comme dans sa vie privée ? Qui d’autre que le Mak propose deux intro sur un même projet ? Qui d’autre que le Mak peut se permettre d’inviter Hill. G, pointure des X-Men, pour un featuring épique ? Eh bien, personne en fait. Si la date du 1er avril est mondialement connue pour ses farces, le second album studio du gros poisson helvétique n’a vraiment rien d’une plaisanterie.
« Chaos Kiss » donc, c’est 16 titres aux sonorités diverses arrangées par l’enfant caché des Neptunes (spoiler : Varnish La Piscine) sur lesquelles Makala n’hésite pas à piquer une tête.
Sous couvert d’instrumentales dites dansantes, le Mak se livre comme rarement, désireux de faire la paix avec lui-même (Lards, Prison Break, Insta Babies…). Mais que serait le fils spirituel de Bruce Lee sans une bonne dose d’egotrip ? Dieu merci, maintes tracks viennent nous rappeler qu’à cet exercice, c’est encore et toujours Makala le plus méchant (Roger That, ZZ Predator, Les barrages avec Daejmiy en featuring). Joyau introspectif, « Chaos Kiss » est un album sans égal, mémorial de l’ascension de son géniteur et indéniablement, futur classique.

Rounhaa – Möbius (6 mai)

En l’espace de trois projets, Rounhaa est passé du statut de newcomer (Yeratik), à celui d’espoir (Horion) et enfin, artiste confirmé (Möbius). Le franco-suisse à toujours gardé la même ligne directrice, à savoir évoquer sa vie, en boucle, d’où le titre de son dernier album.
Ce qui a évolué en revanche, c’est la qualité de ses compositions. Droppé en préambule du projet, le single « Music Sounds Better With You » casse les codes dont nous avait habitué Rounhaa, l’instrumentale signée abel31 flirtant avec l’électronique. Toujours est-il que le rappeur semble plus que jamais à son aise, guidé par ses émotions.
Nouveau visage du label Sublime, Rounhaa dissémine son spleen en douze actes, dynamitant les prods à coup de lyrics parfois très sombres, comme en témoigne le troisième couplet de « Bonbon&Fleur » qui contient un featuring caché avec Khali. Au rayon guest, on retrouve une autre figure estampillée New Wave, le rappeur parisien J9ueve sur « Mr. & Mrs. Smith ».
Présent quant à lui sur le banger « Celine », Gio prouve que l’alchimie entre les deux helvètes est omniprésente. Comme il le souffle sur l’intimiste « Ice », Rounhaa n’a pas changé, la musique fait toujours partie intégrante de son quotidien. Et si c’était ça, la clé ?

Sebastiao Loopes - Dysfunctional Loop (6 mai)

Défricheur méticuleux, explorateur sonore, DJ sur la tournée Chaos Kiss de Makala…et producteur accompli depuis le 6 mai dernier, Sebastiao Loopes n’en finit plus de se diversifier. Faisant écho à la répétition des schémas de pensée, « Dysfunctional Loop » se mue en un 4 titres aux tonalités multiples, nouveau chapitre dans la vie de cet infatigable digger.
Prenez cinq ingrédients. Du Funk, de la Soul, du Hip-Hop, de l’Afro ainsi qu’une pincée de
House. Touillez bien, secouez et vous obtiendrez un quatuor de cocktails tout aussi raffinés que digestes : Le tonic « More Action », les onctueux « Clouds » et « Dancehall Private Party » et pour finir le Kaytranadesque « Strictly Bouncin ». Avec cette recette avant-gardiste, Sebastiao Loopes réussi avec brio son entrée en matière.

Yazus – NOOR (20 mai)

Lorsqu’il s’agit de placer une agglomération sur la carte du rap romand, Genève et son cortège de mc font figure de favoris. Toutefois, à une vingtaine de kilomètres de là, un nyonnais tend à mettre un coup de projecteur sur sa ville.
De lumière, il en est indéniablement question avec « NOOR » premier projet de Yazus. L’artiste de 23 ans y exprime son quotidien, ses questionnements, son rapport à la spiritualité. Bien qu’aucun des six morceaux n’excède les 3 minutes, nulle tentation de passer au suivant, tant ceux-ci sont parfaitement orchestrés.
La force de cet EP réside dans l’identité propre insufflée par Yazus sur chaque track.
Quand « Djellaba » évoque son affection pour ses terres d’origine, « Havana » fait écho à sa détermination sans faille à coup de punchlines que n’aurait pas renié un certain Tony Soprano : « Mentalité mafia Catania, shooter dans les restos, ta tête finit dans lasagna. »
Il en va de même pour l’instrumentale qui varie d’une piste à l’autre.
Ainsi, la prod résolument drill de « Kush » laisse place aux sonorités latines de « Davaï Davaï », confortant Yazus comme étant un rappeur tout terrain. Sans conteste l’un des artistes helvétiques à suivre de près en 2023.

Sabes – Mauvais Rêve (27 mai)

Quelques singles en 2020 ainsi que des freestyles en 2021 ont rapidement attiré l’attention sur Sabes, membre du collectif IFY Monde. Alliant flow technique, lyrics travaillés et refrains planants, le genevois possède toutes les qualités du rappeur complet, de quoi espérer la sortie d’un premier projet. Vœu exaucé le 27 mai dernier avec l’album « Mauvais Rêve », condensé des skills de l’artiste en 14 morceaux.
Comme son intitulé le laisse penser, la thématique du disque est loin d’être utopique, évoquant les démons ainsi que l’inflexible débrouillardise de son interprète. Toujours accompagné de son équipe, le rappeur a invité Double Zed sur « Cousu Mano » et Twosteps avec « Jour J ». Par ailleurs, on notera la participation de son homologue Kenzy sur l’aérien « Hôtel ». Avec « Mauvais Rêve », Sabes confirme les espoirs placés en lui.

Cinnay – Nucleus (10 juin)

Unique artiste usant de la langue suisse-alémanique au sein de notre liste des références rap du canton de Fribourg, Cinnay compte bien faire péter ce satané Röstigraben dans les années à venir. Contrairement à « Supernova » et sa réédition parue deux ans plus tôt, son nouveau projet « Nucleus » ne contient aucun featuring, le Moratois décidant de faire cavalier seul. En revanche, la double crème du beatmaking est bien de la partie.
Cofondateur du label Netrum Records, 88eastboae se partage les instrumentales avec Mondetto, Niketaz, Aemkabeats, Milli, O12, Grvty Deathbysociety, TommyCobain…liste non exhaustive. Une myriade de sonorités différentes qui s’accordent à merveille avec le cloud rap expérimental de Cinnay, qui évoque son amour pour le plat iconique du pays avec « Fondue Cheese », et rien que pour ça, il mérite tout notre respect.

Di-Meh – OV3 (30 juin)

Une année après la sortie de son premier album aux sonorités éclectiques, « Mektoub »,
Di-Meh change de registre (et de beatmaker) avec la galette « OV3 ». Exit donc les prod distordues de Klench Poko, place aux compositions old school de Sperrow, moitié de Tru Comers et collaborateur régulier de la scène rap biennoise. Nnnnurah, Nicholas Craven, , KLP, JeanJass ainsi que Epektase & Pandrezz complètent l’expédition. Si le mc Dimelo n’éprouve généralement aucune difficulté à s’adapter à n’importe quel type d’instrumental, force est de constater que le boom-bap lui sied à merveille.
En résulte 11 pistes au charme nineties indéniable, le point culminant étant atteint sur l’outro de la mixtape, réunissant la double crème des hustlers franco-helvétiques. Ayant pour thématique l’envie de s’en sortir (OV3 pour « on veut 3ich », la débrouille quoi), le skeud contient son lot de featurings : Benjamin Epps, Mairo, Slimka, Caba, JJ, Buds, Dollypran, Hash 24, Woody, Zekwe Ramos, Ouss 47, Nirmou…un casting cinq étoiles pour l’un des meilleurs projets de Di-Meh.

Ty Farris, Sebb Bash – Fluorescent Mud (19 août)

« Ces derniers temps j'ai bossé avec une brochette des rappeurs qui me motivent et chez lesquels je retrouve une créativité réminiscence des années 90 » confiait le producteur fin 2021. Parmi eux, Ty Farris, dont la connexion Lausanne – Detroit a engendré « Fluorescent Mud », album hip-hop hors des sentiers battus. Treize pistes qui permettent d’apprécier la complexité des compositions de Sebb Bash, le tout enrobé du flow dévastateur de Ty Farris.
Oscillant entre tracks nerveux (Mental Tats, Where’s the Garbage Can ?), raffinés (Crown Us, Feed The Kids) et accompagné de deux featurings (les emcee Estee Nack et Planet Asia) le skeud a tout d’une B.O de polar vintage, tant celui-ci transpire l’ambiance nineties. Le duo helvético-américain délivre ici un album expérimental précieux, à mille-lieues des standards de l’époque.

Nayana – OSMOSE (28 août)

6 mois. C’est la période durant laquelle Nayana a conçu son premier disque. 27minutes et 89 secondes. C’est le temps d’écoute total de la douceur qu’est « OSMOSE ». Le titre de la mixtape fait référence à l’alchimie sincère entre la chanteuse et sa manager Solène, également à l’origine du projet. Une vibe anglophone à mi-chemin entre R&B moderne et Néo Soul se dégage des 9 morceaux, guère étonnant quand on sait que les influences majeures de la lausannoise sont Jhené Aiko, Jorja Smith ou encore Alicia Keys.
Passée par The Voice Kids il y’a quelques années, Nayana délivre ici une prestation de haute volée pour son baptême du feu. Entourée d’une brochette d’artistes du cru tel que le producteur Eavy ainsi que Badnaiy et Renzoo, cette dernière s’accommode aux tracks minimalistes (Bless The Begining, Tarot the Sun, Love Experience) comme aux titres fiévreux (NEED NOBODY, Jupiter’s Energy, UNCLEAR). Bien plus qu’une simple carte de visite, « OSMOSE » laisse espérer un avenir prometteur pour Nayana.

Rando - Mystère et boule de shit (16 septembre)

« 0 trailer parce que flemme, 0 feat parce que flemme, 0 clip parce que flemme, 0 back de cover parce qu’on a oublié ». À une époque où les chiffres de streaming et la strat’ marketing importent davantage que le rap en lui-même, la communication expéditive de Rando fait figure d’hérésie. Déjà en 2018, le kickeur lausannois dégageait une certaine nonchalance sur le banger « Zuber », dédié au milieu de terrain de la Nati. Quatre ans plus tard Rando libère « Mystère et boule de shit », le 16 septembre dernier.
Sept titres pour nous rappeler que le mc n’a rien perdu de sa superbe malgré une absence de longue durée. Ballade introspective parsemée de métaphores et références en pagaille sur fond d’instrumentales smooth, le projet s’avère être la bonne surprise de l’été. Une seule question demeure désormais : devra-t-on encore patienter quatre ans pour se délecter du talent de Rando ?

Slimka – 6KLOP (23 septembre)

Créature fantastique issue de la mythologie grecque, le cyclope ne possède qu’une seule et unique mirette, située au milieu du front. Slimka lui, a acquis l’étonnante faculté de pouvoir ouvrir son troisième œil, don ésotérique qui lui a permis d’engendrer un solide premier album, « Tunnel Vision » en 2021. Après quelques apparitions en featuring, l’enfant du peuple a fini par dropper « 6KLOP » un an plus tard, EP à l’énergie folle ponctué de beat switch. Disponible une semaine avant, « Best Life » annonçait déjà la couleur : un bon gros banger au refrain entêtant.
Le triptyque restant confirme la montée en puissance du rappeur. Avec le planant « Clark Kent », ce dernier évoque son ascension au sein du hip-hop, la nostalgie de ses débuts et son sens du self-made. Comme le titre l’indique, « Ace » nous plonge dans une ambiance à la Roland-Garros où Slimka se compare à un autre G.O.A.T helvétique, Roger Federer. « 6KLOP » prépare ainsi le terrain pour son successeur, comme l’indique George De La Dew à la fin de « Boryngo » : « Je vais revenir avec un deuxième album d’un autre niveau ».
En à peine quatre pistes, Slimka a signé là une masterclass, de quoi nous échauffer pour le prochain round.

Buds – Dystopia (30 septembre)

Pour ceux qui ont découvert Buds via La Base & Tru Comers, le premier album solo du rappeur biennois a de quoi décontenancer. La matrice hip-hop des années 90 cède sa place aux sonorités pop urbaine et baile funk, le mc alternant entre langue francophone et lusophone. Quasi entièrement produit par Questbeatz (Sperrow lui, apporte l’unique vibe old school du projet, avec Lil Supa en featuring) « Dystopia » se mue en introspection relativement deep, à l’image de son morceau d’ouverture.
Dans la continuité, Buds évoque ses nombreux démons, épaulé par la présence du montreuillois Prince Waly ainsi que la pointure du rap suisse allemand, Pronto.
L’évocation du terme dystopie pourrait laisser penser que l’entièreté du projet se veut mélancolique, hors ce dernier change radicalement de tonalité dès la sixième track, judicieusement nommée « Utopia ». Dès lors, Buds met ses galères de côté, guidé par un mental d’acier (Jealousy) ainsi que l’amour qu’il porte à la vie (Ride, LSD). Le disque souligne toute la versatilité de l’artiste, qui semble exceller dans tout ce qu’il entreprend.

Yvdre – Yd (30 octobre)

Fin octobre, la NASA a fait une découverte surprenante, aux confins de l’univers se cache une galaxie avant-gardiste hébergeant 15 planètes. Son nom ? « Yd ». Précurseur comme Claude Nicollier, l’artiste lausannois Yvdre est enfin sorti du sas de décompression après plusieurs années-lumière à peaufiner son nouveau projet. Afin de préparer au mieux sa mission, ce dernier s’est entouré d’un équipage international.
Au rayon instrumental, l’éclectisme est de mise avec la participation des helvètes Sensay et Au6i, des français Brodinski et Soudière, ainsi que le belge Mister Tweeks. Le contingent est complété par deux astronautes de renom : le veveysan Mega et le rappeur japonais Loota.
Voyage interstellaire d’une durée de 38 minutes, « Yd » souligne l’aisance de son créateur à s’approprier chaque track sans flancher, de « Badmood » à « Spespace ». Une sacrée perf’ pour le Guion Bluford du rap suisse.

GRËJ – Cuisine (4 novembre)

Après San Francisco et Kunming, il y’a de fortes chances que Buffalo devienne la troisième ville jumelée à Zurich, tant le dernier projet du rappeur GRËJ évoque les sonorités de Griselda Records. Entièrement autoproduit, « Cuisine » se compose de sept pistes à savourer de l’entrée au dessert. Oscillant entre prod boom-bap et samples soul/jazz, la cantine est loin d’être indigeste, on serait même tenté de prendre un bon morceau en rab’.
Il faut dire que le rappeur s’est entouré d’une brigade compétente afin d’assurer le service : suite aux deux premières tracks « intro grise » et « trench » au goût d’apéritif, Djeemy RedUzi et Engal Sama s’occupent eux des plats de résistance, présents respectivement sur « dickies » et son beat switch singulier ainsi que le très bronsonien « ying yang twins ». Puis survient la farandole des entremets, concoctés par le chef cuistot en compagnie de ses seconds, Dibby Sounds / Chris Karel pour « beanie » mais aussi Les / DJ Jesaya sur le titre éponyme du projet. En guise de digestif, l’amère mixture « jardin secret pt. 2 » où l’artiste tente de gérer tant bien que mal le deuil d’un proche parti trop tôt. Que Philippe Etchebest se rassure, pas de cauchemar en cuisine ici, le rap de GRËJ est gastronomique.

AAMO – Sur Ma Lancée (17 novembre)

« AAMO, avec le collectif on peut faire venir la foudre. » Coup de tonnerre sur les plateformes de streaming le 17 novembre dernier, l’artiste libère son premier projet, le bien nommé « Sur Ma Lancée ». Fort de longues années d’entraînement au sein du collectif multidisciplinaire NCG 1976, le genevois passe au choses sérieuses avec une tape aux neuf titres atmosphériques en compagnie de ses acolytes $CO et OGPAP.
Flow diluvien, bars en rafale et averse de punchlines , le tout débité avec précision par un timbre de voix serein, voici l’étendue des précipitations lorsque la tempête AAMO s’abat au fil des tracks. En majorité conçues par $CO, ainsi que VB, Bobble et Tsukii, les instrumentales s’accordent avec fracas à l’univers du rappeur. C’est bien simple, « Sur Ma Lancée » balaye tout sur son passage, un déluge de bangers à écouter d’urgence.

Komaï – Superdry (18 novembre)

Trois tracks pour mettre tout le monde d’accord. C’est un bon résumé du contenu de « Superdry », EP du veveysan Komaï. Quasiment deux ans après le 6 titres « MEUSSIEUR » et quelques singles droppés au compte-goutte, ce dernier revient en force avec un second projet tout en maîtrise. À l’image de son titre éponyme, le disque opte pour des sonorités bien plus smooth que d’habitude, le rappeur tenant à explorer de nouveaux horizons.
Avec une instru et un refrain planant, « Deep » confirme cette volonté, dévoilant une nouvelle facette artistique du membre de TVDZ. Que les puristes se rassurent, Komai n’a pas pour autant délaissé son phrasé nerveux et ses punchlines acérées. Produit par le beatmaker NappyNoise, « Chrono » s’inscrit dans la lignée des morceaux bresson de l’artiste, preuve de sa faculté d’adaptation quand il s’agit de kicker sur n’importe quelle prod. Annoncé comme le début d’une série d’EP, « Superdry » laisse envisager une suite radieuse en 2023.

KT Gorique – New Babylon (18 novembre)

Six ans après son premier album « Tentative de Survie » KT Gorique n’a rien perdu de sa verve incisive, comme le démontre l’EP engagé « New Babylon », leçon rapologique en sept segments. « J’me suis construite mais Netflix c’était pas dans les plans » dixit la rappeuse sur « No Vaseline », car oui, K.T n’a pas attendu « Nouvelle École » pour captiver l’auditoire avec son fameux combo ; phrasé percutant / maîtrise de la punchline.
Authentique depuis ses débuts, l’artiste de Martigny surprend cependant à chaque projet, accordant une importance toute particulière à sortir de sa zone de confort. Ainsi certaines productions se démarquent niveau sonorités : « Autre Chose » et « FUERTE », sur laquelle on retrouve la lausannoise VVSPanther et le genevois Lee Boma, seuls featurings du disque.
Enfin, les adeptes de pur kick trouveront aisément leur bonheur via des tracks énervées « Badman », « OH LORD » ou encore « Oe la Peace ». Tantine Kita au sommet de son art.