Tout champion mérite un rival à sa hauteur, et Ayrton Senna aura eu Prost. Mais l’incontournable rivalité du prodige Brésilien et du cerveau Français éclipse trop souvent l’autre grande histoire d’amour du premier : Nigel Mansell. Une saga pleine de violence, d’idioties et de joutes kamikazes sur laquelle on revient en cinq grands moments, à l'approche du Grand Prix d'Emilie-Romagne le 18 avril 2021 à Imola, où le grand Ayrton a malheureusement tiré sa révérence il y a presque trente ans.
Grand Prix de Belgique 1987 – Zip et strangulation
« Vous ne pouvez tout simplement pas vous contrôler lorsque vous voyez rouge » expliquait récemment Mansell à Sky Sports en racontant son retour aux stands le 17 mai 1987. Il vient alors de percuter Senna sur la piste de Spa-Francorchamps après que le Brésilien lui ait fermé la porte dans un virage, et il ne vit pas très bien le moment. « J’étais comme un gros taureau dans l’arène, et je me suis dit « tiens, je vais aller voir mon pote Ayrton. » Deux minutes plus tard, la Moustache et le Brésilien débutent un câlin d’anthologie : « Je l’ai attrapé par la combi, je lui ai remonté son zip sous le nez et je lui ai dit « la prochaine fois que tu tentes ça, il faudra faire un bien meilleur job » raconte Mansell. « Quatre personne me tenaient, et il m’a frappé plusieurs fois. Mais je n’ai rien senti, c’était mignon. » La réaction de Senna après-coup ? « Quand un homme vous serre la gorge, il n’est sûrement pas venu pour s’excuser. » Bien vu.
Grand Prix de Hongrie 1989 – Le Roi Lion
Deux ans plus tard, Nigel a quitté Williams pour Ferrari. Et si entretemps, Senna a gagné un premier titre de champion de monde, lui a écopé d’un nouveau surnom : le Lion. Pourtant, Nigel peine à rugir et n’a rien eu à se mettre sous les crocs depuis sa victoire au Brésil lors du premier Grand Prix de la Saison. C’est donc la moustache triste et le ventre vide qu’il débarque à Budapest, où il rate ses essais. Mais tout change le dimanche. Passé de la douzième à la huitième place après un départ express, Il Leone reprend tout le monde et se retrouve vite dans les roues du leader, Ayrton. Soit le moment qu’il choisit pour réaliser un des dépassements les plus fous de l’histoire de la F1 : alors que Senna donne un léger coup de frein pour contourner un retardataire (Johansson), Mansell lance un combo décalage-accélération et double les deux voitures en une seule manœuvre. Hakuna Matata.
Grand Prix de Grande-Bretagne 1991 – L’autostoppeur
Après 4 victoires en 8 courses cette saison-là, le double champion du monde Brésilien arrive à Silverstone avec deux objectifs : consolider son avance au général et éteindre un Nigel bouillant après sa victoire à Magny-Cours une semaine plus tôt. Mais manque de bol (et de pole) : le Britannique domine totalement la course à domicile. Pire encore, Senna tombe en panne sèche au dernier tour et rate le podium. Sympa, Mansell s’arrête donc au bord de la piste en plein tour d’honneur et propose à Ayrton de le ramener aux stands. Ce que le Brésilien accepte de bon cœur, non sans filer un petit kick au mécano venu l’empêcher de prendre son taxi. Dans lequel on espère qu’il a trouvé le paquet de mouchoirs règlementaire pour sécher ses larmes.
Grand Prix d’Espagne 1991 – Duel au Soleil
Un peu plus de 15 ans après Montjuic, le GP d’Espagne est de retour en Catalogne, où Senna espère bien assurer son troisième titre. Nigel, lui, passe un sale week-end. Non seulement il sait qu’il n’a plus aucune chance au championnat, mais il traîne une sale laryngite et vient de se fouler la cheville en jouant au foot. Mieux encore : Senna le traite de « gros tas de m***e » lors du briefing pré-course, après une engueulade au sujet de ses départs. Un affront que Mansell lui fait payer sur la piste. Au 5ème tour, les deux pilotes s’envoient la très longue ligne droite de Montmelo roues contre roues, à 300 km/h. Visiblement certain que Mansell est prêt à finir dans le mur ce jour-là, Senna finit par céder. Ce n’est pas la première fois que leur duo fait des étincelles, mais c’est la première fois qu’elles ne sont pas métaphoriques. « Si un circuit longeait un ravin, il n’y aurait qu’Ayrton et moi pour mettre les roues au bord du précipice » raconte ensuite un Lion aux chevilles toujours plus enflées.
Grand Prix de Monte-Carlo 1992 – Fermeture des portes
Plus sérieux que le covoiturage de Silverstone, plus noble que la baston de Spa et plus technique que la ligne de Catalogne, le duel de Monaco est peut-être le plus beau de Mansell et Senna en piste. D’autant plus que cette fois-ci, les rôles sont inversés : avec 5 victoires en 5 courses, c’est Nigel qui domine la saison de la moustache et des épaules. Une forme qu’il confirme à Monaco en maîtrisant la course pendant 70 tours. Et puis, sans que personne ne sache pourquoi – écrou desserré, crevaison mystère, coup de stress, tout a été évoqué, rien n’a été confirmé - le Lion rentre aux stands. De retour sur la piste, il trépigne pendant 8 tours derrière un Ayrton passé en mode essuie-glaces d’élite. Un moment de grâce presque aussi beau que la lettre de Nigel adressée au père de Senna après sa mort : « Votre fils et moi étions profondément rivaux. C'est ce qui a fini par nous rendre proches. Il faisait partie de ma vie comme je faisais partie de la sienne. Alors une part de moi s'en est allée avec Ayrton. »
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