Natif de la Guyane française, Dany Dann est l’actuel champion de France et d’Europe de breaking.
© Little Shao
Breaking

Interview croisée : Syssy et Dany Dann

Que se passe-t-il quand une légende et une star montante du breaking se rencontrent ? C’est ce qu’on a voulu savoir. Rencontre intergénérationnelle entre B-girl Syssy et B-boy Dany Dann.
Écrit par Red Bull France
Temps de lecture estimé : 9 minutesPublished on
D'un côté, Dani Civil, 34 ans, alias Dany Dann, double champion de France de breaking en titre et qualifié pour les Jeux olympiques 2024 (où le sport fait sa première apparition). De l'autre, Sia Dembélé, 16 ans, alias Syssy, prodige de la discipline et championne de France senior en titre.
Alors que les deux danseurs ont reçu leur Wild Card pour la finale mondiale de Red Bull BC One 2023 qui aura lieu au stade Roland-Garros, on a décidé de les réunir pour parler de leur passion commune et de leur vision, parfois différente, du breaking.
B-girl Syssy est l'une des wildcards du Red Bull BC One World Final 2023 à Paris.

Sia Dembélé, alias Syssy

© Red Bull

Pouvez-vous nous raconter votre première rencontre ?

Dany Dann: On se connaissait de vue depuis environ deux ans mais nous avons réellement commencé à nous parler lors d'un rassemblement de l'Équipe de France. Puis nos liens se sont encore plus renforcés lors de déplacements à l'étranger lors desquels on a pu bien parler et échanger.

Syssy: C'est ça. Ça a rapidement matché entre nous. Et puis le fait de passer pas mal de temps ensemble lors de longs déplacements, ça rapproche.

Revenons aux sources : comment avez-vous découvert le breaking ?

Syssy: J’ai d'abord commencé par la gym, vers l'âge de 5-6 ans. En fait, mon grand frère Damani, est aussi un b-boy. J’allais donc tout le temps le voir à ses compétitions, ses battles, ses entraînements... Et puis je trouvais la gym un peu trop stricte, je voulais faire quelque chose de plus créatif. Je me suis donc lancée dans le breaking et mon premier objectif était clair : devenir meilleure que mon frère.

Dany Dann: Je suis né en Guyane et j’ai commencé le break là-bas. Je suis tombé dedans par hasard, vers 14-15 ans. C’est mon cousin qui en faisait et je passais devant la salle où il s’entraînait. J’ai tout de suite accroché et j’ai continué jusqu’à maintenant.

Portrait de b-boy Dany Dann pour le Red Bull BC One World Final Amsterdam.

Dany Dann

© Red Bull BC One

Justement Dany, est-ce que tu peux nous raconter ton parcours, qui n’est pas banal ?

Dany Dann: Après mes débuts en Guyane, je décide de partir en métropole en 2008, tout en matant des vidéos du grand frère de Syssy. Je voulais me confronter à des mecs comme ça. Je suis un compétiteur. J’ai observé les gens qui m’ont mis des étoiles dans les yeux puis j'ai fini par me retrouver à leurs côtés... Mais j'ai toujours gardé les pieds sur terre et, même après avoir gagné une certaine renommée, j'ai souhaité garder un métier pour me sécuriser. Je suis entré dans le médical en 2015, en tant qu'aide-soignant. J'ai donc un alter-ego : danseur le week-end et aide-soignant la semaine. C'est assez particulier.

Quel regard vous portez sur la carrière de l’un et de l’autre ?

Syssy: Ce qui est drôle c'est que Dany a presque le même âge que mon frère, Damani, et ils se sont même déjà rencontrés durant des battles ! Pour moi Dany c’est comme un grand frère, je le respecte, je respecte toute sa carrière. Cela fait longtemps qu'il est là et il continue à être toujours aussi performant. C'est énorme.

Dany Dann: Quand j’ai vu Syssy débarquer pour la première fois, je me suis dit : “Ça y est, la nouvelle génération féminine est là”. J'ai tout de suite su que ça allait être une guerrière, une compétitrice… Elle fait ce qu’il faut, elle s’entraîne dur et je ne peux que saluer une jeune athlète qui fait ça pour avoir des résultats. Pour moi, c’est un honneur de faire partie de l’Équipe de France et qu’elle y soit aussi. Je lui souhaite une meilleure carrière que moi !

Qu'est-ce qui vous impressionne le plus l'un chez l'autre en matière de breaking ?

Syssy: Chez Dany, c'est son aisance qui m'impressionne le plus. Rien qu'avec son aisance et sa musicalité, il arrive à gagner. Et ça, c'est très fort, je trouve. Tout le monde ne peut pas faire ça.

Dany Dann: Moi ce qui m'impressionne le plus, c'est sa technique. Surtout à son âge. Elle fait preuve d'une très grande maturité dans ses moves. Elle fait toujours les bons enchaînements et c'est assez impressionnant. Moi je lui tire mon chapeau. Techniquement, je pense qu'elle est au-dessus de moi. Sa prise de risque est très, très, très élevée.

Pour moi nous sommes des "arthlètes", des artistes et des athlètes.
Dany Dann

Dany, comment tu juges l'évolution du breaking depuis que tu as commencé ? Notamment avec l'arrivée de talents comme Syssy ?

Dany Dann: Il y a une véritable évolution dans les mouvements, dans la technique. Même si je trouve qu'il y a, parfois, un petit manque de personnalité, je trouve que le niveau est stratosphérique.

Un peu plus haut, on parlait de la carrière pas banale de Dany. Toi, Syssy, comment tu arrives à concilier ta vie d'adolescente et de b-girl ?

Syssy: Cela fait un an que je suis à l'école à distance, ce qui me permet de m'entraîner à fond. Même si c'est une véritable passion, j'essaye parfois de m'écarter du break pour ne pas être dégoûtée. Je reste une fille de mon âge et j'aime sortir avec mes amies, par exemple.

On parle souvent du breaking comme une "discipline". Mais est-ce plutôt un art ? Un sport ? Un mix des deux ?

Dany Dann: Pour moi nous sommes des "arthlètes", des artistes et des athlètes. C'est un mélange des deux. On a besoin d'être forts physiquement. Moi je mets ma force athlétique au service de mes moves. Le breaking est une discipline qui se dispute à très haute intensité, donc il faut avoir un bagage physique conséquent pour pouvoir exprimer son art le mieux possible.

Syssy: Je suis d'accord. On a besoin d'être athlétique pour performer. Sur une compétition, il faut être endurant mais aussi original et avoir des moves à soi. Donc c'est un bon mélange des deux.

Le français B-Boy Junior prend la pose sur un rooftop parisien le 9 février 2023.

Un bon spot pour s'étirer le dos

© Little Shao/Red Bull Content Pool

En parlant de compétition, parlez-nous de la finale du Red Bull BC One qui approche à grands pas...

Syssy: Je suis trop contente d’avoir été invitée. BC One, c’était un peu un rêve d’enfant. Tu vois, Red Bull BC One, c’est un peu LA compétition de référence. Ça va être ma première participation et d’être directement invitée sur la grande scène ça va être vraiment bien et je vais tenter de bien saisir cette opportunité pour faire un bon résultat.

Dany Dann: Moi ça sera ma deuxième participation à la finale. On a été sélectionnés par rapport à nos résultats de l’année passée. Je suis très content, c’est ma deuxième participation. Je me sens plus confiant, plus fort dans mon sport et dans mon art. En plus c’est en France. Je suis très content et on attend le jour J pour proposer notre prestation.

Est-ce que vous appréhendez le fait de danser dans un stade Roland-Garros plein à craquer ?

Syssy: Je ne ressens pas de pression particulière. Je pense que que cela va être grandiose et j'ai juste trop hâte de danser sur la grande scène dans cet endroit mythique du sport français !

Dany Dann: Je rejoins Syssy. Il n'y a pas de pression de mon côté, mais forcément un peu de stress, comme dans toutes les battles. Après, on fait ce qu'on a l'habitude de faire et il n'y a pas de raison que cela se passe mal. Je ne m'inquiète pas pour Syssy et, de mon côté, j'ai vraiment hâte que ça commence.

B-boy Junior danse dans le Stade Roland-Garros lors du shooting du teaser de la finale mondiale du Red Bull BC One 2023 à Paris.

Le mythique stade accueillera des meilleurs danseurs de la planète

© Ghosto/Red Bull Content Pool

Le breaking a commencé dans la rue et se retrouve désormais aux Jeux. C'est fou. Cela met un gros coup de projecteur sur notre culture.
Dany Dann

Toi Syssy, tu es championne de France en titre dans la catégorie senior. Comment tu as vécu cette victoire et ce changement de catégorie ?

Syssy: Gagner en sénior m'a fait énormément plaisir, surtout que je l'avais déjà gagné en moins de 16 l'année d'avant. Donc c'était un peu un challenge de faire un back-to-back et de montrer à tout le monde mon évolution. J'ai beaucoup travaillé et j'étais super contente de voir que mes efforts ont payé.

Toi, Dany, tu es double champion de France en titre. C'est quoi ton secret pour continuer à repousser tes limites ?

Dany Dann: Je veux rentrer dans l'histoire. Le breaking fait son entrée aux Jeux et je veux marquer le coup. À chaque compétition, je ne pense qu'à la gagne. Toutes les battles, je les joue comme si c'était la dernière.

Syssy: Je valide cet état d'esprit ! Il faut toujours se donner au max dans chaque compétition parce qu'on ne sait pas de quoi l'avenir sera fait et on n'est pas à l'abri de blessures...

BC One, c’était un peu un rêve d’enfant (...) c’est un peu LA compétition de référence.
Syssy

Le breaking, on l'a dit, va faire son apparition aux JO. Vous en pensez quoi ?

Dany Dann: Pour moi c'est une reconnaissance. Le breaking a commencé dans la rue et se retrouve désormais aux Jeux. C'est fou. Cela met un gros coup de projecteur sur notre culture - car le break, ce n'est évidemment pas que de la danse - et c'est une aubaine pour sa démocratisation en France. Les Jeux vont donner une impulsion et pousser les instances à mieux se structurer.

Syssy: Je trouve ça super. Moi, quand j'étais petite, j'étais fan de gym et j'en regardais aux JO. Jamais je n'aurais cru que le breaking y arrive aussi. Plus de sponsors, plus de visibilité... Pour tous les danseurs, c'est une opportunité incroyable. On est plus pris au sérieux. Avant, quand je parlais de mon sport, je disais "bonjour, je tourne sur la tête" et les gens me regardaient en souriant . Avec les Jeux, tout ça va changer.

Quels sont vos objectifs respectifs dans le futur ?

Syssy: Moi c'est BC One. J'ai vraiment envie de montrer ce que je vaux. Sinon, j'ai juste envie de gagner plein de battles et marquer les esprits. J'ai envie d'être reconnue et que les gens se souviennent de moi et de ma danse.

Dany Dann: Elle a tout dit... On est très focus sur le Red Bull BC One et sur les JO, évidemment. On veut marquer les esprits et gagner des battles, toujours.

Fait partie de cet article

Red Bull BC One World Final Paris

Regardez es meilleurs b-girls et b-boys du monde entier s'affronter lors de la 20ème édition de la finale mondiale de Red Bull BC One au Stade Roland-Garros, à Paris en replay vidéo ici !

FranceStade Roland-Garros, France
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