Si Christian Horner est aujourd’hui l’un des managers les plus influents et titrés de la Formule 1, c’est en grande partie grâce à sa rencontre avec l’ex-pilote autrichien Helmut Marko. Pourtant, tout n’avait pas commencé de la meilleure des manières.
01
Le "type autrichien" qui vendait une caravane
Nous sommes en 1997. Christian Horner a 24 ans et quelques années de pilotage derrière lui. À l’occasion de sa promotion en F3000, il décide de lancer sa propre écurie, Arden International, avec de l’argent emprunté à son père. À mesure que cette dernière se développe, il se retrouve contraint d’acheter une nouvelle caravane. “Et il s’avère qu’un type autrichien en vendait une”, explique-t-il dans le podcast High Performance.
Un peu méfiant mais attiré par cette remorque de seconde-main, le Britannique fait le déplacement jusqu’à Graz, en Autriche, pour inspecter l’objet. Il ne se doute pas que le vendeur n’est autre que… Helmut Marko, ex-pilote de F1 et accessoirement à la tête de la Red Bull Junior Team (aussi connue sous le nom de RSM Marko), une écurie concurrente en F3000. “Quand j’ai rencontré Helmut pour la première fois, je ne me doutais pas une seconde de qui il était”, confie Christian. Les deux hommes se mettent d’accord sur un prix et le vétéran signifie que la caravane sera livrée dans la semaine “à condition que la somme soit réglée d’avance”.
À son retour en Angleterre, le jeune team manager s’empresse de rassembler l’argent nécessaire afin de payer tout ce qu’il peut à l’avance… Sans prévenir son père, alors en déplacement. Au moment de lui annoncer, le futur team principal de Red Bull se fait quelque peu sermonner : “Quand j’ai dit à mon père ce que j’avais fait, il m’a regardé et m’a dit “Donc tu as acheté une caravane en Autriche à quelqu’un que tu ne connais même pas ? Mais tu es fou ?!”” Christian se met alors à sérieusement douter, se demandant s’il ne vient pas de faire une grosse bêtise. Heureusement pour lui (et l’argent du paternel), Marko livre en temps et en heure la Caravane au jeune Britannique. “Voilà, c’était ça, ma première interaction avec Helmut”, résume-t-il.
“Tu as acheté une caravane en Autriche à quelqu’un que tu ne connais même pas ?”
02
Le bon piston
Sa caravane en poche (c'est évidemment une métaphore), Christian peut enfin pleinement se lancer dans la gestion d’Arden en tant que pilote-manager… Enfin, seulement pour un temps. En 1998, après une séance d’essais difficile sur le circuit d’Estoril (Portugal), il se rend à l’évidence : il ne se sent pas capable de reproduire le niveau affiché par les autres pilotes. Il met alors un terme à sa carrière de pilote pour se concentrer pleinement sur le management de son écurie.
Ce choix, dans un premier temps difficile, porte rapidement ses fruits. Christian se révèle être un manager de talent. Grâce à des choix judicieux de pilotes, il parvient à glaner un premier titre en F3000 dans la catégorie constructeur en 2002 puis 2003. En 2004, c’est la consécration : Arden International parvient, grâce notamment à l’Italien Vitantonio Liuzzi, à réaliser le doublé pilote - constructeur. Pour Christian, ce premier grand succès n’est qu’une première étape dans sa quête ultime : accéder à la catégorie reine.
Cherchant à se faire une place au sein de l’élite, il passe tout proche de racheter l’écurie Jordan Grand Prix. Malheureusement, le deal tombe à l’eau. C’est alors qu’une vieille connaissance va entrer en piste. Helmut Marko, vous vous en souvenez ? Mais si, c’est lui qui avait vendu une caravane d’occasion à Horner quelques années auparavant… Il s’avère que l’Autrichien est très proche du regretté Dietrich Mateschitz, le patron de la marque Red Bull qui souhaite se lancer en F1 après avoir racheté l’écurie Jaguar. Marko, qui a gardé contact avec Christian Horner depuis leur première rencontre (qui ne s’était pas si mal passée, finalement…), le recommande au big boss de la marque au taureau rouge.
“Dietrich a toujours été bon pour donner sa chance aux jeunes”, déclare Horner. “Il était prêt à prendre le risque (...) et m’a donné les clés”. À l’âge de 31 ans, l’ex-patron d’Arden devient donc le plus jeune "team principal" de l’histoire de la F1. Un record qui tient toujours aujourd’hui.
03
Pari, piscine et… Superman
Malgré une arrivée de dernière minute au sein de la jeune écurie (seulement 8 petites semaines avant le GP inaugural de la saison 2005 en Australie), Christian répond rapidement aux attentes. À l’issue de la saison, Red Bull marque 34 points et flirte plusieurs fois avec le podium.
En 2006, l’écurie entame sa deuxième saison, emmenée par C. Horner et le trio de pilotes Christian Klien, Robert Doornbos et Robert Coulthard. Christian ne le sait pas encore, mais le pilote écossais va jouer un rôle essentiel dans sa carrière (et celle de Red Bull). Lors du GP de Monaco, Red Bull ne se présente pas vraiment en confiance. Et pour cause : la voiture n’est pas encore parfaitement au point et les pilotes ne sont jamais parvenus à accrocher une place dans le top 10. Pourtant, tout va basculer. “J’ai bu quelques verres avec Martin Brundle, (...) le conseiller de David Coulthard”, explique Horner. “Il m’a dit que David était toujours fort à Monaco et qu’un podium était possible”.
“Quand David franchit la ligne, son conseiller me dit que cela va me coûter un saut et qu’ils ont hâte de me voir me déshabiller”
Peu convaincu, le jeune “TP” décide de lancer un pari : si Coulthard termine sur le podium, il sautera nu dans la piscine de la Red Bull Energy Station. (Mal)heureusement pour lui, le pilote écossais réussit une course parfaite et termine sur la troisième marche du podium. Christian est donc dos au mur : “J’avais oublié ce stupide pari. Quand David franchit la ligne, son conseiller me dit que cela va me coûter un saut et qu’ils ont hâte de me voir me déshabiller”.
Résigné, il se décide à honorer son pari… Non sans avoir essayé de négocier les conditions : “Je croyais pouvoir m’en tirer si je le faisais de nuit (...), mais tous les médias étaient autour de la piscine. Heureusement, David a été compatissant et m’a donné sa cape de Superman pour cacher mes attributs masculins”.
Ce saut est donc pour toujours associé au tout premier podium de l’écurie… Et au triomphe d’un homme, Christian Horner, arrivé par la petite porte au sein d’une équipe qu’il mènera ensuite à la gloire avec 5 titres de constructeur et 6 titres de pilotes. Pas mal pour une histoire de caravane d’occasion…