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Pour Tom Pidcock, l'ascension au sommet du cyclisme mondial a été une évolution naturelle. Il y a, dit-il, peu de différence entre le jeune garçon qui a couru au Royaume-Uni et le jeune homme qui remporte désormais des titres mondiaux. Juste des étapes logiques sur un schéma classique progression.
Étonnamment, à seulement 22 ans, le coureur britannique a déjà remporté les championnats du monde junior et ceux des moins de 23 ans dans trois disciplines différentes : le contre-la-montre, le cyclocross (CX), le cross-country VTT (XC), et il se fraye un chemin jusqu'aux rangs des professionnels sans compromettre sa passion et son talent pour aucune d'entre elles.
Et ce n'est pas tout : le jeune prodige s'est également une médaille d'or à Tokyo et brille aussi en cyclisme sur route, puisqu'on l'a vu notamment vu remporter une étape mythique, l'Alpe d'Huez, sur le Tour de France 2022.
S'il semble pressé de tout vouloir maîtriser en vélo, Pidcock explique qu'il adopte une démarche "lente et régulière". Voici comment cette philosophie a fonctionné jusqu'à présent.
La culture du café et le plaisir en famille
La passion de Pidcock pour le deux-roues vient de ses parents. Étant eux-mêmes de fervents cyclistes, il n'est pas étonnant que Pidcock ait appris à pédaler très jeune.
Je crois même que mes parents m'ont même attaché les pieds aux pédales à un moment donné !
Ce qui est peut-être surprenant, c'est que Tom n'aimait justement pas pédaler. "Je crois que mes parents m'ont même attaché les pieds aux pédales à un moment donné !" confie-t-il.
Une fois qu'il a été assez âgé pour faire quelques kilomètres sur route, il s'est joint aux sorties dans les cafés locaux le week-end. Au début, il prenait la route avec sa mère en voiture et ils parcouraient seulement les derniers kilomètres jusqu'au café pour rejoindre son père et les autres cyclistes. À force de travail, il a fini par faire la boucle de 128 kilomètres, mais le café, et la communauté étaient toujours au cœur du sport.
"Ils ne m'ont pas poussé", explique Pidcock, en précisant que l'adoption aussi précoce et peu orthodoxe de pédales sans cliquet et de séances d'entraînement le week-end n'est pas le résultat d'une éducation insistante de la part de ses parents. "[Ils] m'ont juste encouragé quand c'était nécessaire, ils ont trouvé le bon équilibre."
Se faire remarquer
Tom se souvient avoir beaucoup couru chez les moins de 14 ans, mais n'avoir pas pu "devenir bon" avant de rejoindre les moins de 16 ans. Jusqu'alors, il utilisait son vélo d'entraînement pour faire du vélo-cross.Mais avec ses bons résultats, il est parvenu à obtenir le soutien de Paul Milnes Cycles, un magasin de vélos basé dans le Yorkshire, au Royaume-Uni, qui a pour habitude de soutenir les jeunes coureurs talentueux du comté.
Pidcock passait encore d'une discipline à l'autre : il s'entraînait surtout sur route, faisait de plus en plus de courses de cyclocross et faisait toujours du VTT. Il n'était pas question de se spécialiser, mais Pidcock se considérait, et se considère toujours, comme un coureur sur route qui pratique le cyclocross et le VTT, plutôt que comme un coureur de cyclocross qui s'adonne à d'autres disciplines.
Ce qui est peut-être dû à sa première course et à son premier grand succès, tous les deux réalisés sur route. La première a eu lieu sur le circuit de Castle Combe, dans le sud-ouest de l'Angleterre, où sa chaîne est tombée, ce qui l'a un peu stressé, tandis que la seconde s'est déroulée dans le cadre des Scarborough National Youth Road Race Series. Cette victoire a provoqué le tournant qui a permis à Pidcock de commencer à prendre conscience de son potentiel.
C'est à partir de là que les résultats et la reconnaissance ont commencé à arriver. Les principales étapes importantes ont commencé à l'âge de 16 ans, en première année junior. Une deuxième place à la Coupe du monde de cyclocross UCI à Hoogerheide a renforcé son statut de "potentiel à suivre", tandis qu'une huitième place aux Championnats européens de cyclocross a été suivie d'une cinquième place aux Championnats du monde, plus tard dans l'année.
L'année suivante, il commençait à gagner avec un style qui ne pouvait pas passer inaperçu. Les premières victoires en Coupe du monde, en Europe et au Championnat du monde étaient dans la poche.
Sur route, Pidcock faisait également la Une des journaux. Deux mois seulement après avoir obtenu les bandes arc-en-ciel en cyclocross, il remportait l'édition junior du prestigieux Paris-Roubaix.
Un cycliste aux multiples talents émergeait. Seuls quelques coureurs ont réussi à exceller en cyclocross, sur route et en VTT dans leur carrière d'élite. Pauline Ferrand-Prévot et Mathieu van der Poel, par exemple. Pourrait-il ajouter son nom à cette prestigieuse liste ?
Pas de précipitation
Signer un contrat professionnel avec l'équipe de cyclocross Telenet-Fidea semblait être une bonne décision. Alors, quand il l'a quittée au bout d'un an, à la moitié du contrat, certains sourcils se sont naturellement levés. Rouler avec l'équipe continentale UCI de Sir Bradley Wiggins, Team Wiggins, sur un calendrier de route à l'échelle nationale, principalement, n'a pas permis à Pidcock d'atteindre la grandeur que certains avaient prédite.
Il n'y a pas d'urgence de faire partie du World Tour et je ne suis pas là pour être le plus jeune vainqueur du Tour de France. Pour moi, ça n'a aucune importance
Mais derrière le battage médiatique, lui vaquait à ses occupations avec calme et sa confiance habituelle.
"Après la saison avec Wiggins, je suis sorti avec mes amis et j'ai fait du dirt. J'ai pris 8 kg ! Ça n'avait pas d'importance. Il n'y a pas d'urgence faire partie du World Tour et je ne suis pas là pour être le plus jeune vainqueur du Tour de France, ou le plus jeune ceci ou cela. Pour moi, ça n'a aucune importance, l'important c'est ce que vous avez accompli à la fin de votre carrière".
Pidcock n'a pas vraiment l'impression que son adolescence a été marquée par des sacrifices. "Je ne bois pas, je n'aime pas sortir, j'adore faire du vélo, regarder la télévision, jouer à la Xbox et ne rien faire, donc c'était plutôt parfait", explique-t-il. Il se rend compte qu'il a en fait eu besoin de ce temps au début de sa carrière chez les moins de 23 ans pour prendre du recul face à un monde de consommation.
Pidcock confie s'être développé lentement, et il semble que le fait de ne pas avoir précipité sa carrière pendant ses jeunes années a porté ses fruits. En vieillissant, il ressent un peu plus les sacrifices : le temps passé loin de chez lui, de sa famille et de sa petite amie, et les marges de réussite qui s'affinent lorsqu'il atteint le sommet du sport d'élite. Mais quand on voit la situation dans son ensemble, tout ça semble en valoir la peine.
"Je ne suis pas encore complètement développé, bien sûr. Quelqu'un qui a 21 ans ne devrait pas l'être", explique-t-il. "J'ai toujours appris à gagner des courses par d'autres moyens, pas en étant le plus fort, parce que j'ai toujours été le plus petit et le moins développé. Je suppose que je le suis toujours. Je prends mon temps pour tirer le meilleur parti de mon potentiel".
Prendre le contrôle (et les titres)
Il faut une grande confiance en soi pour suivre son propre chemin et à son propre rythme, mais Pidcock a la tête sur ses jeunes épaules et il fait en sorte que ça fonctionne.
L'une des figures qui aident Pidcock à prendre cette voie vers le succès est son directeur de l'équipe Trinity Racing, Kurt Bogaerts. Outre les résultats de la course, Pidcock considère le début de leur relation de travail comme l'une des étapes majeures de son parcours de cycliste.
"C'était après l'époque de Wiggins, quand j'étais un peu décontracté, qu'il m'a remis sur les rails. Il n'est pas seulement un entraîneur. Il regarde tout ce que je fais en tant qu'athlète : le régime alimentaire, l'entraînement, le style de vie, comment gérer une petite amie et tout ça".
Le fait de se rendre en Belgique, cet hiver-là, et d'être avec Bogaerts et sa partenaire, la thérapeute sportive Xenia van der Muelen, a été extrêmement formateur pour Pidcock. Il a rapidement appris à être un athlète complet, et pas seulement à s'entraîner dur.
Avec Bogaerts à la tête d'une équipe construite autour de lui, il avait le contrôle. Il pouvait se concentrer sur la mise en place de tout ce qu'il fallait pour poser les bases solides de son avenir. En prenant ce contrôle, Pidcock a commencé à remporter les titres des moins de 23 ans et de l'élite.
Les saisons 2019 et 2020 sont une succession de résultats remarquables : Champion d'Europe de cyclocross des moins de 23 ans, Champion du monde de cyclocross des moins de 23 ans, Champion britannique de cyclocross, vainqueur de la Coupe du monde des moins de 23 ans. Sur route, Pidcock est devenu le tout premier Britannique à remporter le Paris-Roubaix des moins de 23 ans, puis il a remporté le bronze des moins de 23 ans aux championnats du monde dans son comté natal du Yorkshire, en Angleterre. Et ce n'était qu'en 2019.
Cette année, il a fait un pas de plus vers l'élite en cyclocross, en décrochant l'argent lors de ses tout premiers championnats du monde de cyclocross, avant que la pandémie mondiale ne mette un terme à toutes les épreuves. Lorsque les courses ont repris, il a montré que le confinement n'avait pas affecté sa forme de début de saison, en remportant le Tour d'Italie espoirs, la plus grande course par étapes du calendrier routier des moins de 23 ans, avant de participer à une course aux Championnats du monde élite où il était le leader de l'équipe britannique.
De là, il s'est tourné vers le VTT, où il a remporté deux courses consécutives lors de sa toute première Coupe du monde de cross-country des moins de 23 ans, ce qu'il a confirmé la semaine suivante avec les titres de champion du monde des moins de 23 ans et de l'e-MTB.
Atteindre le World Tour
En septembre 2020, il a été annoncé que Pidcock avait signé avec Ineos Grenadiers, l'une des plus grandes équipes professionnelles de route au monde. Un rêve devenu réalité.
"Honnêtement, je ne pense pas qu'il y ait une autre équipe pour laquelle j'aurais roulé", explique Pidcock. Je n'ai peut-être jamais confié ça, mais en fait, je me suis toujours dit : "Bien sûr que je vais rouler pour eux".
De la même manière qu'il n'a jamais vraiment compris la question "que voulez-vous faire quand vous serez grand ?," parce qu'il le faisait déjà, rouler pour Ineos semble être une évolution naturelle. Spéciale, mais pas surprenante, comme ses performances sur le Tour de France cette année n'ont pas manqué de confirmer.
Bref, la carrière de Pidcock est déjà folle, mais nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises. Loin de là...
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