Enak Gavaggio et Kilian Jornet, ambassadeurs du Big Up and Down, évènement de ski de randonnée.
© MDaviet
Ski backcountry
« Tu en chies jusqu'au sommet, tu enlèves tes peaux de phoques, tu kiffes »
Monter des sommets en peau de phoque pour ensuite les redescendre n'a jamais été aussi tendance. On en a parlé avec Enak Gavaggio, ambassadeur du ski de rando, à l'occasion du Big Up and Down.
Écrit par Paul Gallo
Temps de lecture estimé : 9 minutesPublished on
Du 2 au 4 février, la station des Arcs dans les Alpes accueille la 4ème édition d'un événement à part dans le monde du ski : le Big Up and Down.
Cette grand messe du ski de randonnée attire chaque année passionnés et novices pour 3 jours de découverte, de galère, de descente de montagnes et de pintes.
Ambassadeur du ski de rando et légende française de freeride, Enak Gavaggionous en dit un peu plus sur la pratique du ski de randonnée et explique pourquoi vous allez vous y mettre dès cet hiver.
Salut Enak, tu peux nous présenter le Big Up and Down ?
On a créé l'événement avec le collectif Community Touring Club qui réunit la plus grande communauté de France autour de la free rando. Le Big Up and Down a pour objectif de rassembler les passionnés et ceux qui veulent découvrir ce sport.
Avec Kilian Jornet, je suis l'un des ambassadeurs. Lui, il est plutôt course extrême et moi freeride. On apporte chacun notre vision. L'événement est une compétition mais ce n'est pas la gagne qui compte à tout prix.
Comment se déroulent les 3 jours ?
Dès le vendredi soir, on lance le Kilianomètre. Le but, c'est de monter le plus vite 1000 mètres en vertical. Tu as ceux qui jouent le podium et après tu as les autres 80% qui sont là soit pour donner le meilleur et s'arracher, soit juste pour participer.
Le ski de freerando ou de randonnée freeride permet d'explorer des endroits reculés.
Free rando sur poudreuse de qualité© MDaviet
Ensuite, le samedi c'est une journée avec des thématiques sur la randonnée à ski, avec une rando spéciale pour les femmes. Les gens peuvent se retrouver au Village Test pour découvrir du matos et l'essayer. On a aussi des programmes pour sensibiliser aux risques d’avalanches. Aujourd’hui, on en parle beaucoup chez les freeriders, mais la randonnée c’est tout aussi dangereux.
C'est un sport dans lequel tu ne peux pas te lancer tout seul ?
Si quelqu’un veut commencer la rando, il faut bien être encadré par quelqu’un au début. Après, on y prend vraiment goût. Ce n'est pas très compliqué mais il y a deux, trois trucs à savoir.
Comment placer ses talons, comment faire une conversion, quel mouvement faire pour y arriver et ne pas glisser. Ça, par exemple, on le reprend le samedi pour la Belle Montée.
Randonnée de nuit le samedi pour l'événement de ski Big Up and Down aux Arcs, dans les Alpes.
La Belle Montée© MDaviet
C’est une petite rando de nuit en peaux de phoques avec 300 mètres de dénivelé. Tout le monde peut venir avec sa copine, sa femme, son chien. À l'arrivée, on se retrouve dans un petit restaurant d’altitude pour boire des canons. Là, il n'y a pas du tout de compétition.
Tu parlais de conversion tout à l'heure, pour un skieur non-averti, ça consiste en quoi ?
Quand tu attaques une montagne, tu ne peux pas y aller de face, c'est trop raide. Donc il faut faire des traversées et à chaque traversée, faire un virage. La conversion c’est le virage pour aller d’une traversée à une autre. C’est un petit peu technique quand tu ne sais pas faire. En général, à la première conversion, tu redescends en bas de la pente.
L’an passé, j’ai appris à des gens qui s'étaient inscrits sans jamais avoir pratiqué la rando. Du coup, on leur a appris à faire des conversions pour qu’ils puissent monter.
Eux, ils étaient vraiment là dans l’état d’esprit, genre "Tiens, il y a un événement je suis en sécu, c’est cool je m’inscris". Bon, ils ont mis 3 heures de plus que les autres, mais ils étaient contents à l’arrivée.
C'est déjà la 4ème édition, tu vois de plus en plus de monde s'intéresser au ski de rando ?
Oui, on le sent vraiment sur la Belle Montée. Avoir des gens qui t'expliquent, un truc cadré et pas de chrono, ça aide les débutants à se sentir plus en confiance.
C'est la quatrième édition de l'événement de toutes les pratiques du ski de rando Big Up & Down.
Débutants ou pros, le Big Up and Down est pour tous les niveaux© MDaviet
Sinon, tu as de plus en plus de stations, comme les Arcs, qui proposent des parcours sécurisés. Sur un domaine, tu sais qu'il n'y a pas de risque d'avalanches, tu as des balises pour éviter de te perdre. Et surtout dans la montée, tu sais que tu ne vas rencontrer personne dans l'autre sens. Si t’as un mec qui déboule en face, ça peut être dangereux.
C'est un sport qui s'adresse à tous les niveaux ?
Si tu peux faire des pistes rouges, tu peux faire de la rando sans problèmes. Sur le Big Down pareil, c’est pas hyper technique. On aurait pu faire un truc énervé en mode Big Down XXL avec un truc super engagé mais ça aurait vraiment restreint l'accès au sport.
On évolue sur le domaine skiable, pas besoin d’être un skieur de dingue. Le but s’est de se retrouver, de s’amuser et de se retrouver à la fin de la journée au resto ou au bar et boire des bières. C’est l’esprit ski avant tout.
Le BigNak c’est l’esprit "Je vais en chier mais je m’amuse surtout". Donc je suis sportif, mais je bois des bières quand même.
C'est une épreuve que tu as créé ?
Oui, le BigNak commence le dimanche. On est sur un format qui s'adresse à la fois aux compétiteurs et à ceux qui veulent juste parcourir le domaine.
L'épreuve mélange à la fois des étapes pures de derby, des étapes pures de rando en montée sèche et des sessions où on part tous ensemble avec un peu de montée et de descente. On a 4 spéciales, peut-être 5, on attend de voir les conditions.
Niveau sportif, si tu veux jouer la gagne c’est costaud, il faut vraiment s’arracher. Pour monter sur le podium, il faut pouvoir monter vite et descendre vite. Il faut être un bon runner et un bon freerider et c'est ça qui est intéressant dans le format BigNak.
Les spéciales sont chronométrées ?
Oui, il y a un classement à la fin. Elles sont assez courtes et puis le reste du temps tu prends les remontées, tu te balades tu skies. Tu vas à l’autre étape, entre-temps tu peux aller dans un resto te faire un petit sandwich ou un burger. Chacun son rythme.
Moi je m’arrache. Au Kilianomètre, surtout les années passées, je m’arrachais la tronche. Et surtout je me tirais la bourre avec mes potes freeriders. Les premiers finissent en 40 minutes, le niveau est vraiment haut. Nous on se tire juste la bourre entre nous, c'est ça qui est cool dans le ski de rando, tu as de vraies sensation, l'adrénaline...
Tu es bien connu les circuits de ski cross, notamment avec les X Games et les JOs. Comment tu en es venu au ski de randonnée ?
Parce que je suis Français, Européen, et que j’ai pas le budget des Américains. Un jour, on avait plus le budget pour l’hélicoptère alors on s’est mis à la rando.
Pour faire des images, t’es obligé un peu. À part si tu as un hélico, tu l’appelles, il vient te chercher et il te pose à un autre endroit. Et puis la peau de phoque c’est cool, c’est en train de se démocratiser. C’est bien dans l’ère du temps aussi. Bien manger, faire du sport, aller courir, être dehors...
C'est une tendance qui explose, on voit de plus en plus de gens en faire.
Aujourd’hui, ce qui est compliqué sur le ski de randonnée c'est les gens qui se lancent à la première chute de neige en novembre sur un massif qu'ils ne connaissent pas. Il faut quand même connaître un peu la cartographie, avoir un minimum de connaissances en montagne ou alors il faut partir avec un professionnel.
Quand tu pars faire de la randonnée en montagne c’est immense, tu te retrouves vite seul au monde. Et avec la descente qui t'attend après, tu sais que tu vas kiffer.
Ce n'est pas trop galère la montée avec les skis ?
Non parce qu’en fait, t’as une grande surface sur la neige, donc tu t’enfonces pas. Monter à pied, c’est galère, tu t’enfonces. Si par exemple la trace n'est pas faite, sur une sortie peau de phoque tu vas mettre 15 à 20 minutes. À pieds, t’en as pour 50 minutes, 1 heure.
Les skieurs de randonnée au départ du Big Up and Down 2017 dans la station des Arcs dans les Alpes.
Départ sur le Big Up and Down 2017© MDaviet
Et le ratio temps de montée/temps de descente n'est pas trop déséquilibré ?
Ça dépend vraiment de ce que tu décides de faire. Parfois tu montes en peau de phoque pendant 20 minutes et tu te fais juste deux minutes de descente de poudreuse.
Après une demie-heure de peau de phoque, t’es l’homme le plus heureux du monde. Ça reprend vraiment cette tendance d’aller dans la nature pour se sentir bien, sauf que là, tu as vraiment ce côté plaisir dans la descente.
Tu en chies pour monter, t’arrives au sommet, t’es tout seul sur ta crête, tu as un panorama de dingue. Là, tu enlèves tes peaux de phoques, tu chausses tes skis et la descente est pour toi - c’est que du plaisir.
Donc maintenant tu es totalement passé en mode free randonneur ?
Pour faire un comparatif, c’est comme si je vais courir, faire une grosse séance de vélo ou peu importe. Quand j’arrive à la maison, la récompense d’en avoir autant chié, c’est de bouffer mon burger.
La rando c’est comme le VTT enduro, tu pars avec un vélo adapté et tu montes. Et quand t’arrives en haut, t’as un vélo de malade pour descendre. Dans la descente, tu pars dans les chemins, tu envoies comme un enfoiré, t’es pas monté pour rien. Là, c’est un petit peu ça en rando, c’est accéder à des endroits un peu éloignés pour ensuite avoir le kif de la descente.
L'after du Big Up and Down 2017, événement de ski de rando aux Arcs dans les Alpes.
After ski au Big Up and Down© MDaviet
En plus, à la différence d’aller courir ou de faire du vélo, c’est toi qui impose ton rythme. En vélo en montagne, tu imposes un rythme par rapport à la difficulté de la pente, t’es obligé de garder un certain rythme. Tu en chies.
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