Dans les coulisses du premier Grand Prix de F1 de l’histoire
Alors que le GP de Grande-Bretagne se déroulera une nouvelle fois à Silverstone en 2021, retour sur la première manche de l’histoire de la Formule 1, disputée sur ce même circuit, en 1950.
Écrit par Antoine Grenapin
Temps de lecture estimé : 6 minutesUpdated on
En ce samedi 13 mai 1950, ils sont plus de 200 000 à affluer à Silverstone. Ce n’est pas le village cerclé par la campagne verdoyante qui fait le plein mais la base aérienne de la Royal Air Force située à une poignée de miles. Tous viennent assister au premier Grand Prix de l’histoire de la F1. Une bataille de 21 pilotes renommé le « GP de l’Europe », un événement mécanique et mondain : le roi George VI, la reine Elizabeth et la princesse Margaret ont aussi fait le déplacement.
L’air est léger et le plaisir contagieux. Il y a quelques années, sur le même asphalte, des centaines d’avions britanniques étaient conçus pour lutter contre l’Allemagne nazie. La guerre est finie et l’endroit s’est progressivement transformé en circuit automobile. Dans la région, c’est une aubaine : de nombreux mécaniciens travaillant dans l’aéronautique se convertissent dans l’automobile. Des garages où sont préparés des ERA, Alta mais aussi des Ferrari et des Maserati sortent de terre. Silverstone devient déjà la capitale britannique de l’automobile.
Dans le même temps, la CSI, la commission sportive internationale de la FIA, s’active. Depuis la fin de la guerre et une première course au bois de Boulogne à Paris en septembre 1945, les initiatives de promoteurs se multiplient partout en Europe. « Il y avait un foisonnement de courses qui n’étaient jamais liées entre elles, ce qui ne permettait pas d’établir une hiérarchie entre les meilleures structures, souligne Jean-Louis Moncet, journaliste français qui couvre la F1 depuis plus de 40 saisons. Chaque course mêlait en plus tous les types de voitures, des GT aux véhicules à roues ouvertes, les ancêtres des monoplaces ».
Alors, la CSI joue la clarté et lance trois formules pour classer les cylindrés. Les monoplaces propulsées par des moteurs de moto de moins de 500c3 seront des Formule n°3. Celles plafonnées à 2000 cm3 porteront le nom de Formule n°3. Dans la catégorie-reine, la Formule n°1, place à des moteurs à pression atmosphérique de 4,5 litres. Pour Alfa Romeo, qui domine la planète mécanique depuis l’avant-guerre, c’est une aubaine : dès 1938, la firme italienne a développé de telles bolides.
Après le cahier des charges techniques, place à la structuration du calendrier. « Il y avait des Formule 1 disséminées dans de nombreuses courses en Europe, il fallait les réunir dans un même championnat », raconte Jean-Louis Moncet. Le calendrier est composé de sept manches dont certaines déjà mythiques – Monaco, Spa-Francorchamps et Monza – et une seule hors d’Europe, sur le tracé américain d’Indianapolis. Rapidement, ce nouveau feuilleton trouve un écho favorable chez les plus grands constructeurs. Les Alfa Romeo et leur trio magique surnommé les « trois F » - Juan-Manuel Fangio, Giuseppe Farina, Luigi Fagioli – seront de la partie. Des Maserati, des Talbot-Lago, des ERA et des Alta complèteront la grille.
Ferrari, absence remarquée
Les plus grands constructeurs du moment sont là, sauf un. À Silverstone, Ferrari manque à l’appel. « Enzo Ferrari trouvait que les primes de départ qui étaient offertes n’étaient pas assez importantes, souligne Jean-Louis Moncet. Il a donc décidé d’aligner les Ferrari officielles à Mons en Belgique ». Si le fondateur de la marque au cheval cabré n’était pas hostile à ce nouveau championnat, il doutait du succès de la manche à Silverstone.
Il a dû être surpris, le dimanche, en lisant les premiers articles sur le sujet et pas seulement à cause de l’affluence. Ce sont les Alfa qu’il a lui-même construit avant la guerre qui survolent le week-end. À l’issue de la qualification, Farina devance Fagioli et Fangio alors que l’Anglais Reid Pernell, lui aussi au volant d’une Alfa, signe le 4e temps et réveille l’orgueil britannique. Les bolides italiens roulent deux secondes plus vite que les autres. À cette époque aussi, deux secondes en F1 est un gouffre.
La course ? C’est Marcel Reichel, envoyé spécial pour le journal L’Equipe, qui la raconte : « quant à la lutte, qui eût pu être meurtrière pour les machines, elle n’eût pas eu lieu. Alfa fit une course d’équipe dans une parfait discipline et si Fangio dû abandonner à 8 tours de la fin, c’est que cette journée n’était pas celle de sa chance ». Le podium est 100% Alfa avec Farina devant Fagioli et Pernell. Chez Giuseppe Farina, visage rond illuminé d’un sourire, il y a la douce folie d’un pilote qui semble imperméable à la peur. La semaine, il est volubile, avocat et beau parleur. Sur les circuits, c’est un fonceur qui ne lâche rien. « Nino » (comme il est surnommé) remporte donc le premier de ses trois succès cette saison-là. Cinq moins plus tard, il deviendra le premier champion du monde de l’histoire de la F1.
Le dimanche, alors que Silverstone a retrouvé sa quiétude, la presse européenne est unanime. « Ce Grand Prix a magnifiquement servi la cause du sport automobile », écrit Marcel Reichel. Mais comme nombre de ses confrères, il insiste sur un autre événement en marge de la course : la présentation de la BRM, un bolide doté d’un moteur V16. Il fait déjà rêver tous les Britanniques avides de succès mécaniques. L’annonce du speaker est éloquente : « dans toutes les courses, nous sommes battus. Le drapeau anglais doit de nouveau flotter au mât de la victoire. C’est une bataille que la Grande-Bretagne doit livrer et gagner. » Les BRM seront alignés dès la saison suivante.
Mais le GP de Silverstone couve un autre retour : dès le lendemain, Enzo Ferrari annonce que ses voitures seront au prochain Grand Prix disputé huit jours plus tard à Monaco. « Il n’avait pas de doute que la course dans la Principauté serait un succès, souligne Jean-Louis Moncet. Et il a vite compris que la F1 allait devenir la référence ». C’était il y a 69 ans et depuis, les Grands Prix de F1 se disputent toujours le dimanche. Le jour des seigneurs.
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