Gaming
Les fondateurs de la Karmine Corp ne sont pas réputés pour leur langue de bois. Kameto et Prime nous avaient prévenu : ils voient les choses en grand. Annoncé au cours du KCX 3, le partenariat entre la KC et Les Arènes d’Évry-Courcouronnes est donc devenu réalité. Cette association, ce n’est rien de moins qu'une première en Europe, puisque la KC est la seule équipe d’e-sport à disposer de sa propre salle. Ce weekend, elle accueillait donc son premier match de League of Legends, face à l’équipe GameWard, pour un quart de finale de Coupe de France. On s’est glissé dans les travées (bondées) de l’arène pour vous raconter l’événement.
Évry est bleu
Le coup d’envoi de ce BO5 (Best Of 5, la première équipe à remporter 3 games est qualifiée pour le tour suivant) devait être donné à 18 heures, mais Karmine oblige, de nombreux fans étaient déjà sur place à 15h30. Dès le milieu de l’après-midi, la gare s’est mise à cracher des vagues de maillots bleus, et c’est un véritable raz de marée qui s’est abattu sur Le Spot (anciennement l’Agora d’Évry). Cabochard, Rekkles, Caliste, Saken… les fans arborent fièrement le nom des joueurs (anciens comme actuels). Évidemment, certains ont opté pour un flocage personnalisé, comme un petit FF - 15 - Top gap du plus bel effet (en référence au fait d’abandonner au bout de 15 minutes lorsqu’on se fait détruire sur LoL).
À l'intérieur de la salle, c’est l’heure de la conférence de presse : Les échos, RFI et d’autres médias traditionnels sont là, Kameto et l’esport font (enfin) faire partie du panorama français.
L’entrée est toujours interdite aux fans, mais déjà, on peut les entendre scander des chants, tambour et mégaphone à l’appui : “shalalalalalala… allez Karmine”. “Aux armes.” Tous les chants que l’on peut habituellement entendre dans des stades de foot sont de la partie. Peut-être de quoi désarçonner certains riverains qui sortent des magasins environnants, mais qu’importe, ils sont très largement en minorité. Tout à coup, tous les fans s’asseyent, se mettent à entonner un chant en chuchotant presque… et au bout d’une minute, la troupe se lève comme un seul homme, envoyant du décibel dans tous les coins de la galerie commerçante. Portes ouvertes ou non, la Karmine est déjà chez elle.
“Petite” salle, grosse ambiance
En mettant les pieds dans l’enceinte, certains fans semblent sous le choc : oui, Les Arènes, c’est une vraie belle salle, et désormais, c’est la leur. Les sièges sont là, séparés par un logo de la Karmine Corp, et l’écran géant surplombe le tout. Dans la configuration du soir, 2 500 places sont disponibles, et sans surprise, l’événement affiche complet. Kameto ayant grandi à côté à Corbeil-Essonnes, il s’était engagé à proposer des prix accessibles, et à dix euros l’entrée, le pari est tenu.
Petit à petit, la salle se remplit dans le calme, on sent une pointe d’excitation, mais l’ambiance est bon enfant, même pour l’unique fan de GameWard qui a fait le déplacement. Dans les gradins situés en haut à droite, avant même l’entrée du public, on note une concentration anormale de drapeaux, c’est là que viennent s’installer les membres du Blue Wall, les ultras de la KC. Drapeaux, tambours, tifos, ils sont prêts à tout donner, comme Grégoire, 25 ans, responsable du pôle supporter : “Je suis dans le Blue Wall depuis sa création. Au début j’étais simple adhérent, et j’ai petit à petit grimpé les échelons. Je connais la Karmine depuis l’arrivée en LFL.” Comme beaucoup, il a une affection particulière pour Saken, midlaner emblématique de la structure qui a malheureusement été remplacé en cours de saison.
Avec l’inauguration de cette salle, les fans ont déjà des idées bien précises, comme le fait d’imiter la NBA en retirant certains maillots pour les afficher fièrement au plafond : “Dans l’asso, c’est ce qu’on voudrait faire. J’aimerais bien qu’il y ait Saken, Double (TFT) même si pour l’instant il est encore dans le club… Cabo aussi, et Bren (Trackmania) qui a été champion du monde.” Mais au-delà de se projeter, ils sont surtout là pour encourager leur équipe : “Nous, on essaye de suivre les directives d’une partie de la direction. Que ce soit les chants, les tifos, les drapeaux, on a vraiment envie d’avoir un parcage qui bouge, pas que dix minutes par-ci par-là mais tout le match, du début à la fin.” Surtout, les fans ne soutiennent pas uniquement l’équipe sur un jeu, mais sur l’entièreté de ceux-ci. Grégoire explique qu’il est allé au Red Bull Home Ground l’année dernière (Valorant), et Mathilde Beltoise, aka Nelo, joueuse Valorant Game Changers, avait par exemple pas mal de fans parmi l’assistance.
What’s the color ?
En amont de l’événement, ils terminent de se briefer : “quand ça commence on se tue la voix. On chante tout le temps, et c'est pas grave si vous les connaissez pas (les chants, NDLR), on est tous ensemble.”
Kameto fait ses premiers pas sur la grande scène, avec en fond une vidéo au style anime. À la fin de celle-ci, il hurle “Bonsoir Les Arènes !” et là, c’est l’explosion sonore. Pendant 10 minutes ou presque, les tifos font des allers-retours entre les tribunes, on est bien à Évry, mais on se croirait à l’Accor Arena. Et ce n’est pas l’arrivée des joueurs qui va faire retomber l’atmosphère. Le pseudo de chacun d’entre eux est longuement scandé, surtout celui de Caliste, “l’enfant de la prophétie”. Les joueurs de GameWard n’ont pas droit à un tel accueil, comme le dit Kameto au micro avant de s’esclaffer : “Bien sûr, il faut un peu d'animosité, mais tranquille, pas de drama sur Twitter, je vous en supplie."
Avant le lancement de la première game, le fondateur de la KC et Wao (ancien joueur de la structure) animent, ils tendent le micro à Matias, l’ADC de GameWard : “Ça va ? Pas trop de pression ?”. “Ils ont l’air chauds.” Et effectivement, Les Arènes sont chauffées à blanc. Sur le firstblood du premier match, la salle rugit, et à chaque kill, la réaction sera la même tout au long de l’affrontement.
Domination en tribune et sur la Faille
En plein SoloQueue challenge, Kameto annonce fièrement qu’en cas de 2-0, il remplacera 113, le jungler de l’équipe. Malheureusement pour lui, le score va assez rapidement lui faire ravaler sa promesse, puisque la game 1 est portée par le Turc sur son Nocturne, et Caliste se montrera impérial lors de la 2e manche (et sur l’ensemble de la partie). Kamel est donc obligé de faire machine arrière, arguant qu’il n’est plus dans la base de données de Riot et qu’il n’a donc pas le droit de jouer.
Après chaque match, les équipes sortent pour se ressourcer, débriefer, et on croise toute la KC en train de discuter de la stratégie à aborder. Les sourires sont de mise, ça parle carrément de changer de rôle pour la troisième manche, mais vu les éclats de rire qui suivent, on n’est pas vraiment sûr qu’ils soient sérieux. On entend aussi un : “did you really want to have Kamel as jungler ?” (tu voulais vraiment avoir Kamel en jungle ?). Reha, le coach de l’équipe LEC, est là aussi.
Tout le monde revient et prend place, et là, à la fin de la draft, les joueurs ne changent pas de personnages. Le support, Fleshy, se retrouve donc à jouer en jungle (sur Lee Sin), 133 prend sa place avec Renata, et Abbedagge et Maynter en fond de même. Il ne reste que Caliste sur son rôle principal.
Malgré ce troll de haut niveau, la Karmine Corp reste sérieuse et réussit à petit à petit assurer le coup, notamment grâce à des teamfights bien gérés et un ADC toujours incandescent. À la fin du match, les fans hurlent “et 1, et 2, et 3 zéro”. La soirée est parfaite. Après la partie, Caliste admet que, même si les casques des joueurs sont insonorisés, il pouvait quand même entendre les chants quasi constants dans la salle. Mais surtout, avant de passer le micro à l’un de ses coéquipiers, il termine par un “On se voit en LEC” qui fait une nouvelle fois se lever Les Arènes.
Toujours dans le calme et la bonne humeur, ce public hétéroclite constitué de jeunes, de couples, de pères et de leurs enfants se disperse dans les travées de la salle, et on entend ici et là des : “c’était une masterclass”. Ils sont venus de toute la région parisienne, comme Sébastien, 30 ans, qui habite à Noisy-le-Grand et qui suit l’équipe depuis ses débuts. Il est donc temps de plonger dans le réseau RATP, et pour certains d’entre eux, et notamment un fan aux cheveux rasés et teints aux couleurs de la KC, la tâche s’annonce compliquée : “Je dois retourner sur Paris, mais il n’y a plus de RER, il faut que je trouve les bus de remplacement.” Heureusement pour lui, lors du Red Bull League of Its Own, le 15 décembre à l’Accor Arena, il n’aura pas ce genre de problèmes.