« La quête de vagues et de rencontres autour du monde ». Ewen, Ronan et Aurel, sont les visages de la série « Lost in the Swell ». Chaque voyage qu'ils entreprennent est une aventure écologique et nouvelle. Le but ? Trouver des spots de surf immaculés. Ils nous racontent la naissance du projet, le public divers touché par la série et les aventures de trois bretons à dos d'âne ou en fat bike.
Salut les gars, on entend le bruit des mouettes. Vous êtes où ?
Aurel : On est à Saint-Tugen, pas loin d’Audierne dans le Finistère Sud. On est au bout du bout là.
On va commencer par parler de votre rencontre, comment est né votre projet ?
On est un trio de potes de longue date, Ewen, Ronan et moi (Aurel, ndlr). On surfe depuis qu’on est jeunes et Ronan fait de la photo et de la vidéo depuis longtemps. En gros, on a commencé avec quelques photos dans la presse spécialisée. Les gens à l'origine du développement du surf en Bretagne ont écrit un bouquin qui s’appelle « Kornog » qui veut dire « Vent d’Ouest ». Et on a décidé de prendre la suite en faisant une vidéo, « BarrAvel », qui veut dire « tempête » en breton. C’est notre premier long tournage.
Après, on est allés au Maroc 3 mois en exploration avec Ewen et Ronan nous a rejoint une dizaine de jours. Sur ces 3 mois-là, on a vécu un petit mois à la « roots » sans eau, sans électricité. On avait toujours rêvé de partir à l’aventure. On s’est dit qu’on devait sortir un peu de notre société et voir si on était capables de survivre et surfer. En France, on le fait comme un loisir, mais on voulait voir si lors d’une grosse épreuve qu’est la survie au quotidien, on pouvait se dégager du temps et faire des images.
Du coup on l’a appelé « Des Îles Usions » et c’est une websérie qui est sur notre site. Ensuite « Lost in the Swell » est venu. C’est là où il y a l’histoire du trimaran éco-conçu, les shapers qui font des planches avec du lin… Ç'était long à mettre en place mais on a fait un premier tour de Bretagne, pour apprendre à naviguer et se perfectionner. Après on est allés aux Îles Salomon. Après ça, on a laissé tomber la voile et on a enchaîné avec une websérie en Aquitaine pour s’entrainer avant le Gabon : voir si on savait encore faire du vélo et quels étaient les réponses à nos problématiques.
Et ensuite la fameuse épopée au Gabon qui s’est transformée en safari plus qu’en surf trip. On a gardé l’idée de faire des webséries, donc on est partis cet hiver au Maroc, se mettre en situation, faire un test en grandeur réelle avec nos moyens de transport « écologiques » que sont les ânes.
C’est un choix de prendre des transports comme ça (ânes, fat bikes…) ? Il y a une vraie démarche écologique.
Oui, il y a plusieurs aspects dans « Lost in the Swell », dont l’écologie. C’est pour ça qu’on surfe des boards éco-conçues, que notre pote shaper met en place. Il essaye de se rapprocher au plus d’un produit écolo, recyclable, même si c’est très compliqué à cause des propriétés mécaniques, des circonstances d’une planche et des attentes que l’on a. Après, c’était pareil avec le bateau « Gwalaz ». La particularité des fat bikes, c’est d’être en bambou, strappés en lin. Notre but, c’est de découvrir de nouvelles vagues, peu connues voire pas du tout, en se déplaçant avec des moyens de transports écolos ou de fibre écolo.
Pour vous le voyage doit garder un côté sportif ?
À chaque fois qu’on se trouve un nouvel endroit, on veut se déplacer d’une manière différente. Pour les Îles Salomon, c’était la voile. Au Gabon, c’était les jambes.
Comment vous choisissez vos spots ?
Souvent grâce à notre pote, Google Earth. On essaye de trouver des endroits qui sont peu ou pas explorés. Ça c’est un bon point. Et puis les vagues surtout…
Il y a une notion de danger sur les spots aussi ?
Pour le Gabon, on a essayé de mettre toutes les chances de notre côté à travers des combinaisons rayées (une combinaison au camouflage imitant les poissons venimeux, ndlr) et des shark bases qu’on avait. Ce sont des protections anti-requins. Même si on nous a dit que ce n’était pas forcément efficace et que ce sont plus des gadgets. Ensuite, on essaye de se renseigner auprès des locaux pour savoir les choses à faire ou ne pas faire. Une fois qu’on va surfer, on compte sur notre bonne étoile, on n’a pas beaucoup de maîtrise…
Les locaux vous conseillent des spots ?
L’idée quand on part en exploration, c’est d’avoir cette autonomie qui se transforme en survie. On va bien évidemment rencontrer la population, mais souvent les gens ne sont pas là où sont les vagues. Elles sont souvent hyper compliquées d’accès. Une fois qu’on a trouvé, le but c’est de rester un maximum de temps pour faire des images et surfer le plus possible. Après, la météo rend les choses compliquées sur ces spots. L’idée pour nous, c’est de se balader, de se déplacer, de changer de spots.
Vous vous coupez du monde moderne ?
Carrément, ouais.
Ce côté survie vous l’avez développé comment ?
Dès le début, il y a quasiment 10 ans, quand on part surfer sur l’ile déserte, on a appelé la vidéo des « Îles Usions ». Ce n’est pas pour rien, parce qu’on a pris une grosse claque. Au lieu de rester 40 jours en autonomie, on a passé 23 jours et on est rentrés en France en catastrophe. On a fait une super vidéo et c’était une belle aventure. Mais après, ça vient avec l’âge, le temps et l’expérience. Maintenant on a 36 ans, ça fait 10 ans qu’on fait ça et on voyage toujours beaucoup à côté. On a fait plein de choses, on a vu plein d’endroits. On a visité des destinations qui étaient différentes donc on s’est adapté aux milieux variés, aux vagues. Donc oui, on a progressé, c’est clair.
Vous c’est la performance, mais surtout la culture du voyage ?
Le trip qu’on a fait aux Îles Salomon en bateau, il y a très peu de population. Si on considère les endroits où on était, c’était vraiment un trip de surfeur. Pareil avec le Gabon. Les Gabonais sont fermés à l’océan et très ouverts à la forêt, donc il y a peu de village sur la côte. Surtout sur celle que l’on a visité, mais c’était le but. C’est d’aller à un endroit où il n’y a personne, où l’homme n’est jamais allé vraiment. À part les écogardes ou ceux qui avaient l’autorisation, et justement c’était le but d’aller trouver des vagues jamais surfées auparavant.
Ce que les gens ont perdu, ils peuvent le retrouver en s’identifiant à nous.
Vous avez des bons retours sur les vidéos ?
C’est vraiment « Paradis perdu » qui a le plus cartonné, il a été bien médiatisé. On a bossé un an et demi dessus. Ç'était compliqué au début administrativement parlant. On était en pleine crise des élections au Gabon. Donc au pire moment possible pour aller faire notre film et quand on regarde le résultat, on a vraiment eu de la chance parce que bien évidemment, on a fait plein d’erreurs. On s’est fait peur avec les bestioles locales.
Quel genre de bêtes ?
Avec les hippopotames, les éléphants, les crocodiles. C’était gavé de requins dans l’eau. Tu vois, tu nous redemanderais de faire le même trip une deuxième fois, on n’irait pas.
Vos vidéos servent un peu de test pour ceux qui veulent partir là-bas ?
Ça dépend où. Les Îles Salomon, c’était des vagues de corail donc en termes de surf c’est complètement différent que surfer des vagues de sable. Au Gabon, l’eau est super marron, c’est vraiment réputé pour la grosseur des poissons que tu peux ramener en pêchant de la plage, mais surtout pour le nombre de requins bouledogues qui gravitent au mètre carré, ou litre cube carré (rires).
Avec quel matos vous partez ? C’est quoi le kit de l’aventurier ?
Déjà, on prend une trousse à pharmacie. Si tu n’as jamais voyagé, c’est sûr que tu vas choper une tourista de ouf, donc il faut prendre de l’Immodium. Il faut des gourdes qui filtrent l’eau, comme ça tu peux boire l’eau du robinet ou l’eau que tu trouves. Pendant 3 mois au Gabon, on a fait que ça. Pour les endroits tropicaux, où le paludisme est présent, je pense que c’est mieux de prendre du malarone (médicament antipaludique, ndlr) en début de trip. Une fois que tu es sur place, tu vois si tu continues d’en prendre. Il faut de l’anti-moustique, bio bien évidemment. Un kit de suture, une moustiquaire à mettre un peu partout où tu vas. Ça te sauve tes nuits et ton trip. Des petits kits de réparation pour les planches, le matos en général. Et tout ce qui est crème cicatrisante, tous ces trucs-là, toujours bio.
Maintenant, vous consacrez toute votre temps à « Lost in The Swell » ?
Ronan est un photographe pro devenu vidéaste. Il a beaucoup de contrats en plus de « Lost in the Swell ». Et avec Ewen, on est profs de surf. Ewen enseigne aussi le skate et moi la natation. Mais à vrai dire, on bosse quasiment toute l’année sur « Lost in the Swell » maintenant. Ça nous prend presque tout notre temps.
Par rapport à vos débuts, vous regardez le milieu du surf comment ?
Ronan : Je suis à l’image mais je vois les deux-là, qui ont commencé à être un peu connus en Bretagne et maintenant c’est vraiment des légendes du surf. C’est à dire que n’importe où on va, de Biarritz jusqu’en Normandie, tous les surfeurs les connaissent. Et c’est assez drôle parce qu’on a l’impression que les gens sont nos potes, ils nous abordent assez facilement désormais.
Donc malgré eux, ils sont devenus des petites stars sur les côtes de surf, grâce au succès du truc : au début on était dans un schéma assez classique où on voulait diffuser ça à la télé, sauf que personne n’en voulait, donc on a trouvé notre public sur Internet. Après ça ne cartonne pas non plus à des milliards de vue, on n’a pas des vidéos buzz avec des centaines de millions de vues. Mais on a vraiment entre 20k d’abonnés sur Youtube et 30k sur Facebook qui nous suivent et qui sont vraiment fans. Ils mettent des commentaires, ils envoient des mails, ils sont vraiment à fond quand on fait des crowdfundings pour financer les aventures suivantes. On a vraiment trouvé notre communauté qui est hyper core et soudée autour de nos valeurs.
On veut revenir à plus d’authenticité. Là, tu vois les 3 bras cassés bretons, on est dans le naturel et avec les valeurs que l’on dégage. Ce que les gens ont perdu, ils peuvent le retrouver en s’identifiant à nous. D’un côté, on peut faire rêver. Peu importe le type d’individu, les gens s’y retrouvent et c’est super agréable pour nous. On a un échange toujours sympathique, très chaleureux n’importe où on va. C’est le débutant qui va kiffer, le local, le mec à qui ça rappelle sa jeunesse mais aussi le surfeur pro.
On a tous les publics. Au début, on ne savait pas trop et à force de faire des projections, de faire des trucs avec les gens, de bouger, c’est devenu multigénérationnel. On a fait 10 avant-premières de « Paradis Perdu » dont à Paris, et des endroits différents en France. À chaque fois, les salles étaient remplies de tous les individus possibles et imaginables. Des gamins de 14 ans, des trentenaires de notre génération qui trippaient sur nos blagues à la con, des plus vieux, enfin vraiment il y a de tout.
Vous avez des modèles justement dans cette vibe ? Des films qui vous ont inspiré par exemple ?
Aurel : Je pense qu’aujourd’hui, on a l’impression que la quête de la vague est facile, que ça se fait à coup de grand billet d’avion et que l’on score des vagues de ouf tout de suite. On a un peu occulté toute la partie recherche, exploration. Du coup, le fait que l’on mette ça en avant, c’est complètement aux antipodes de ce qui se fait actuellement dans le surf. Dans le surf, c’est toujours de l’action, de l’action, de l’action.
Quand tu surfes, tu n’as pas des vagues tous les jours. Donc on montre vraiment tout ce qu’il y a autour.
Mais depuis tout petit on avait pas mal de magazines où les rédacs chefs n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. On avait beaucoup d’histoire qui nous faisaient rêver. Tel mec qui découvre tel spot, parce qu’il s’est barré avec un groupe de potes après avoir largué sa meuf, il a vu qu’il y avait une vague, il a taillé un chemin dans la forêt et maintenant, cette vague-là est réputée mondialement et les pros passent dessus dans le circuit WSL…
On a eu vachement de chance dans notre génération d’avoir plein de films, de science-fiction, d’aventure, qui nous ont donné envie d’explorer, de voyager.
Si on résume votre philosophie, ce n’est pas la compétition mais plutôt la découverte ?
Le surfeur de base est déjà comme ça. Parce que le mec qui a l’habitude de surfer à tel endroit va aller voir ce qu’il se passe ailleurs. Et c’est ça qui est cool avec le surf : ça te fait voyager.
Nous ce n’est pas la performance qu’on recherche. C’est vraiment la découverte de vagues, de spots. Et puis tu aussi as l’appréhension et l’adrénaline d’aller sur un spot que personne n’a jamais surfé.
Aujourd’hui, on a l’impression que la quête de la vague est facile. On a un peu occulté toute la partie recherche, exploration.
Vous allez continuer dans cette lancée ? Quel sont les projets du futur ?
Oui, on est en train de travailler sur un nouveau projet mais c’est encore secret parce que ce n’est pas encore déterminé. Mais on a vraiment nos abonnés qui augmentent énormément, beaucoup de demandes donc on est vraiment motivés pour continuer !