Explication des phrases les plus incompréhensibles du rap français.
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Musique

Décryptage : les expressions obscures du rap français

Private jokes, confusions, références obscures, clins d’œil improbables ou délires totalement absurdes : explication des phrases les plus incompréhensibles du rap français.
Écrit par Yérim Sar
Temps de lecture estimé : 12 minutesPublished on
Certaines phrases du rap français constituent de véritables mystères. Il y a les références qui ne parlent qu’à des auditeurs d’un certain âge, des expressions codées propres à un quartier ou une bande de potes, des mots totalement inventés quand ce ne sont pas le flow ou différents jeux sur la langue qui rendent la compréhension de certains morceaux parfois difficile. Alors plutôt que de vous laisser les chantonner sans même en comprendre le sens, voici la véritable signification des phases les plus cheloues du rap français enfin décryptée !

« Merci Stavo pour les travaux »

Stavo s’appelait auparavant Zaiko, puis Zhédess, puis Detess, puis Deusté et enfin Stavo. Selon la légende, chaque changement de pseudonyme correspond à une évolution du bonhomme.

Stavo - Fuck le 17 : « Merci Stavo pour les travaux »

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Stavo (13 Block) – Fuck le 17

Le souci : bien que cette phrase revienne tout le temps dans la bouche du rappeur de 13 Block, elle ne correspond jamais à aucun contexte particulier.
La pire interprétation : penser que Stavo est une personne, et que le rappeur le remercie pour avoir repeint son salon et changer sa chaudière.
Décodage : le rappeur s’appelait auparavant Zaiko, puis Zhédess, puis Detess, puis Deusté et enfin Stavo. Selon la légende, chaque changement de pseudonyme correspond à une évolution du bonhomme, autant humainement qu’artistiquement. Un peu comme les pokemons si vous voulez, il acquiert de nouvelles capacités à chaque transformation. Ce petit slogan qui revient donc dans un grand nombre de ses derniers couplets symbolise cette progression.
L’explication de Stavo : « Je voulais me concentrer sur ma vie donc j'ai préféré me tuer pour mieux ressusciter. Là, je suis une nouvelle personne. C’est-à-dire qu’avant, dans ma vie personnelle, j'étais dans un délire et j'ai quitté ce délire là, ce mode de vie. Je me suis mis sérieusement dans la musique. »

Shay - Jolie

Le souci : absolument personne ne consomme de peroxyde d’azote puisque c’est un composé chimique qui est avant tout utilisé en astronautique.
La pire interprétation : penser que Shay ingère régulièrement du peroxyde d’azote, ce qui voudrait dire qu’elle s’expose à de très gros risques niveau santé.
Décodage : selon toute probabilité la rappeuse a fait un lapsus et confondu avec un autre produit à l’usage plus récréatif, le protoxyde d’azote. Le début de la phrase indique un éclat de rire (« j’en LOL ») et c’est effectivement un de ses effets secondaires, une euphorie incontrôlable. Concrètement, le protoxyde d’azote est souvent utilisé comme un « gaz hilarant».
Le saviez-vous ? Très récemment, la consommation de protoxyde d’azote est devenue problématique dans le Nord de la France au point que certains maires ont fait en sorte d’en interdire la vente aux mineurs.

« Je rappe pas comme vous, je fais des donkey punch »

Le donkey punch est le nom anglais d’un acte sexuel assez extrême, affilié au BDSM. Vald l’utilise ici pour se démarquer et mettre en avant son côté dangereux au micro.

Vald - Donkey Punch : « Je rappe pas comme vous, je fais des donkey punch »

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Vald - Donkey Punch

Le souci : à moins d'avoir la référence, impossible de deviner de quoi parle Vald ici.
La pire interprétation : croire que le donkey punch fait référence à un coup donné par Donkey Kong, ce qui rend la phrase complètement inoffensive, et donc à des années-lumière de la volonté de l’auteur.
Décodage : le donkey punch est le nom anglais d’un acte sexuel assez extrême, affilié au BDSM. Vald l’utilise ici pour se démarquer et mettre en avant son côté dangereux au micro.
Le donkey punch par Vald : « Donkey Punch c'est le titre d'un obscur film d'horreur. Y'a des mecs et des meufs sur un bateau, quelqu'un demande ce qu'est le « Donkey Punch ». En gros c'est une pratique sexuelle... Un mec tente ça sauf qu'il tue la meuf. Du coup après, tout le monde pète un câble et s’entretue. C'est génial. Mais j’aime les beaux films aussi hein !»

Niska - La Moula remix

Le souci : la comparaison culinaire n'a, à première vue, strictement rien à faire là.
La pire interprétation : penser que Niska est un fan maniaque des Simpson qui a retenu deux épisodes en particulier. « Le Naufrage des relations » (S26E02) où Bart refuse catégoriquement de manger un brocoli, quitte à énerver son père, sans oublier le classique « Simpson Horror Show XI » (S12E01) où Homer meurt après s’être étouffé avec un brocoli.
Décodage : a priori Niska n’aime pas les brocolis, donc c’est sa façon à lui de vous faire comprendre à quel point votre existence est inutile à ses yeux.
Le point de vue de Niska : « En fait quand je fais des trucs comme ça, la phrase est tellement teubée que même moi ça me fait golri et je me dis que même si elle ne plaît pas, tu vas quand même la remarquer. Au final, les gens l'ont retenue. Et c'est vrai : ça sert à rien dans mon assiette. »

« Genre, en catchana baby tu dead ça »

Aya Nakamura raconte l’un des mensonges du fameux Djadja qui en plus de lui pourrir la vie se vante de prouesses sexuelles incroyables.

Aya Nakamura - Djadja : « Genre, en catchana baby tu dead ça »

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Aya Nakamura - Djadja

Le souci : pour une partie du grand public, il n’y a littéralement que 3 ou 4 mots de compréhensibles dans cette phrase.
La pire interprétation : croyez-le ou non, mais au tout début du succès du morceau, beaucoup de gens se sont interrogés et parmi les tentatives d’explication on a eu « en catch, Anna, baby tu dead ça », ce qui voudrait dire qu’Aya félicite une copine catcheuse. Certes tout est possible mais il y a quand même des limites.
Décodage : « en catchana » signifie « en levrette », « baby » est simplement utilisé pour désigner son interlocuteur, et « tu dead ça » est une expression qui signifie « tu tues, tu déchires, tu es trop fort »... En gros, la chanteuse raconte l’un des mensonges du fameux Djadja qui en plus de lui pourrir la vie se vante de prouesses sexuelles incroyables.
Le saviez-vous ? Avant d’expliciter complètement la formule, Aya, qui était très sollicitée sur les réseaux au sujet de cette phrase, avait simplement répondu par l’emoji interdit au moins de 18 ans pour confirmer les premières hypothèses.

Freeman (IAM) - Un bon son brut pour les truands

Le souci : on comprend ce que veut dire mystifier et on sait ce qu’est un twix, en revanche l’association des deux est pour le moins énigmatique.
La pire interprétation : penser que le Marseillais voulait juste multiplier les sons en i (le reste de son début de couplet s’appuie là-dessus : « celui qui nique ma zic, votre shit, les sales flics [...] Predator Kick [...] aussi sauvage que les Knicks [...] avec sa clique [...] les six guerriers d'apocalypse ») sans particulièrement se soucier du (non)sens que ça causerait.
Décodage : honnêtement, on sèche. Tout ce que l’on peut comprendre c’est que le rappeur utilise cette formule pour illustrer une posture agressive, où il menace l’interlocuteur de finir mystifié comme un twix en cas de problème.
La malédiction du twix : Freeman n’est jamais revenu sur cette phrase, en revanche dans le DVD « Revoir un printemps », on constate que la rime est devenue un petit running gag pour le groupe IAM, qui ironise pas mal là-dessus (voire se fout ouvertement de la gueule de Freeman).

« Danse comme un cheval »

Sefyu veut justement dire que sa cible n’est plus en état de danser, tellement le son l’a choqué(e).

Sefyu - Molotov 4 : « Danse comme un cheval »

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Sefyu - Molotov 4

Le souci : vous avez déjà vu un cheval danser ?
La pire interprétation : s’enfoncer dans les méandres du lexique chevalin et penser que Sefyu évoque bel et bien ce qu’on appelle la danse du cheval, à savoir une sorte de cabrement un peu instinctif.
Décodage : Sefyu veut justement dire que sa cible n’est plus en état de danser, tellement le son l’a choqué(e).
L’explication de Sefyu : « Mais le truc c’est qu’un cheval ça danse pas, c’est ça la phase en fait ! »

Heuss L’Enfoiré - Les Méchants

Le souci : le mot moula n’est pas vraiment le plus précis du lexique rap français, et la suite de la phrase n’arrange rien
La pire interprétation : prendre le mot moula comme il est utilisé par à peu près tous les autres rappeurs, à savoir un synonyme de l’argent, et passer à côté de pas mal de phases de Heuss.
Décodage : « la grosse moula » est devenu un des surnoms de Heuss et « les méchants » est une menace qui peut englober la police mais aussi des concurrents qui voudraient sa peau.
Une moula peut en cacher une autre : que ce soit en interview ou sur la quasi-intégralité de ses autres morceaux, le MC utilise très souvent l’expression « la moula », mais pas seulement pour se désigner lui-même. Une moula, c’est quelqu’un ou quelque chose d’important, qui a de la valeur. Ainsi quand il évoque des rappeurs qu’il considère comme des références, Heuss a déjà dit à plusieurs reprises « ah oui, lui c’est une grosse moula ».

« Laisse-moi zoom zoom zang dans ta benz benz benz, girl quand tu whines ton bumpa ça m'rend dingue dingue dingue »

« Laisse-moi zoom zoom zang dans ta benz benz benz, girl quand tu whines ton bumpa ça m'rend dingue dingue dingue  »

Lord Kossity et NTM - Ma Benz

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Lord Kossity et NTM - Ma Benz

Le souci : l’usage d’anglicismes, d’onomatopées et d’argot combiné à la voix très particulière de Lord Kossity constitue un véritable challenge pour l'oreille de l'auditeur.
La pire interprétation : reprendre ce refrain machinalement en n'en comprenant seulement un mot sur 5.
Décodage : le bonhomme a flashé sur une fille aux formes généreuses qui le rend fou quand elle danse (« quand tu whines ton bumpa ça me rend dingue ») et il est partant pour une partie de jambes en l’air dans une Mercedes Benz.
La genèse du morceau par Joey Starr : « À la base, avec Spank on a fait la prod pour tester la sono d’une voiture, on voulait ensuite filer l’instru à Kossity pour vendre ça à des rastas, et on a fait l’erreur de faire écouter le truc à Kool Shen. Du coup c’est devenu un des plus gros tubes de NTM. »

Jack Many (LMC Click) – 91 Superthugz remix

Le souci : à moins d’habiter Grigny et ses environs ou d’avoir pris le train en marche, vous allez être passablement troublé par le terme Dorassel.
La pire interprétation : penser que tout ça a un quelconque rapport avec les piles Duracel.
Décodage : même si on ne va pas spoiler le fin mot de l’histoire, le terme est tellement utilisé dans différents couplets des rappeurs de Grigny depuis les années 2000 que par déduction, on sait que c’est très négatif, voire utilisé comme une insulte par moments. Normal que le membre de LMC Click se définisse donc en opposition à tout ça.
L'explication de Jack Many et Juicy P : « Nous on a toujours écouté beaucoup de sons West Coast, pas seulement Los Angeles, toute la côte ouest californienne. Et Dorassel c’est un rappeur de la Bay, et il est complètement pété ! Il est pourri. Donc un Dorassel c’est un truc vraiment mauvais, naze, pire que tout. »

« On va les haaw »

On peut clairement remplacer ça par « on va les tuer/baiser/ken/détruire » et autres promesses d’un futur proche assez sombre.

Sofiane et Soso Maness - FDP : « On va les haaw »

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Sofiane et Soso Maness - FDP

Le souci : même pour les experts ès-argot en tout genre, le verbe haaw constitue un mystère.
La pire interprétation : penser que c’est une forme de censure phonétique alors que pas du tout.
Décodage : on peut clairement remplacer ça par « on va les tuer/baiser/ken/détruire » et autres promesses d’un futur proche assez sombre.
La genèse du morceau : à l'origine, Fianso avait simplement sorti ce refrain dans un freestyle en 2014, sans que le morceau ne voie le jour. Il s’est ensuite retrouvé sur l’album de Soso Maness près de 5 ans plus tard, qui a convaincu Sofiane de lui « lâcher » le morceau. C’est donc Soso qu’il faut remercier pour avoir enfin « on va les haaw » en qualité CD.

Kekra - Iencli

Le souci : entre la répétition phonétique volontaire qui brouille les pistes et l’usage de mots anglais en plein milieu d’une expression franchouillarde, l’auditeur non averti peut se trouver assez démuni devant cet enchaînement.
La pire interprétation : croire que Kekra dit « bag » au lieu de « back », ce qui rend la phrase incompréhensible ou alors croire qu’il prononce des mots au hasard sur la fin de la phrase alors qu'il s’est donné du mal.
Décodage : le back, c’est le dos, dans la première partie de la phrase Kekra utilise simplement l’expression « protège ton dos », dans le sens « faire attention à soi, se méfier » et complète avec un autre petit conseil : protéger son argent (« cash »). Ça se complique un peu après : il faut aussi cacher l’argent, et la boucle est bouclée puisque l’argent sert également à se protéger soi-même et apporter de la sécurité, donc cacher son dos, se cacher soi-même. Le dos qui lui-même continue de protéger l’argent quoi qu’il arrive. Pfiouuu.
Le saviez-vous ? Ce n’est ni la première ni la dernière fois que l’artiste profite de la fusion anglais/français pour s’amuser. Ainsi, il avait lâché « je les vois tous venir comme un sextoy », en jouant sur l’ambivalence du verbe « come », qui en anglais veut dire à la fois « venir » et « jouir ». Comme le rappeur le précise lui-même « si je reste seulement sur le français, j’ai l’impression de tourner en rond assez vite, j’aime bien mélanger un peu. »