Passage en revue des artistes de la scène rap de Marseille comme SCH, Jul, Soso Maness, YL et Naps.
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Musique

La scène rap de Marseille en 10 artistes

Passage en revue des forces vives de la scène rap de Marseille, de Soso Maness à YL, en passant par SCH, Jul et Naps.
Écrit par Genono
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Marseille s’est longtemps tirée la bourre avec Paris et sa banlieue pour déterminer qui était la véritable capitale du rap français. La question n’a toujours pas trouvé de réponse définitive, puisque différents cycles ont rythmé l’histoire des scènes musicales des deux plus grandes villes de France, Paris prenant le trône de temps à autre et se laissant ravir la couronne en fonction de la santé artistique des têtes d’affiches phocéennes. En grosse perte de vitesse au début des années 2010, les vieux monuments ayant fait leur temps, et la nouvelle génération n’ayant pas encore explosé, l’arrivée de Jul aux sommets du game national a changé la donne, et replacé Marseille au centre de la carte du rap français.
Autour de lui, toute une flopée de nouveaux visages ont fini par se faire une place, aussi bien dans les maisons de disques parisiennes qu’en indé, avec des structures locales qui ont su se développer et prendre une véritable ampleur. Les scores épatants de Naps, YL, Sch et bien sûr Jul ces dernières années ne sont que l’arbre qui cache la forêt, et Marseille abrite une scène réellement foisonnante, avec ses dynamiques locales, ses tendances atypiques, et son univers aussi sombre sur le fond que coloré sur la forme. Entre superstars du rap français et jeunes loups prêts à dévorer le monde, passage en revue des forces vives de la scène rap de Marseille.

Jul, la superstar avec les pieds dans la street

On ne présente plus vraiment l’un des plus gros vendeurs de disques en France, idole de toute une génération, et auteur de tubes à 200 millions de vues sur YouTube. Parti de rien, Jul est l’un des exemples les plus éclatants du degré d’indépendance et d’autonomie que peut atteindre un rappeur aujourd’hui : autoproduit, il compose ses propres beats, enregistre ses albums dans une cabane au fond de son jardin, possède sa propre structure, D’Or et de Platine, créée de toutes pièces suite aux mésententes avec son précédent label.
Passé du statut de curiosité à celui de poids lourd de l’industrie du disque, Jul donne l’impression de ne pas être tout à fait à l’aise avec le succès et reste attaché à la rue comme une moule à son rocher, au point de devenir un genre de Rat Luciano 2.0. Consécration ultime pour le rappeur marseillais, il se produira au Stade Vélodrome en juin 2020, preuve qu’il est aujourd’hui devenu bigger than rap.

Soso Maness, l’ex-gérant

Apparu pour la première fois sur le grand classique d’Intouchables, « Les Points sur les I », alors qu’il n’avait que 12 ans, Soso Maness a longtemps été l’un des rookies du rap marseillais, mais une vie agitée, entre rue et business parallèle, aura ralenti sa progression. Sa carrière hors-musique en revanche suit une courbe ascendante qui le mène droit à la case prison. Désormais bien décidé à se consacrer entièrement au rap suite à sa signature chez Sony, le Marseillais a toutes les qualités pour devenir l’une des nouvelles superstars du rap français, avec en premier lieu un storytelling solide.
La musique de Soso Maness illustre de façon assez éclatante ce qui dicte les tendances du rap marseillais depuis quelques années : le fond est dur, bourré d’allusions très directes à la vie de rue et à ses drames, tandis que la forme est très ouverte, avec un BPM rapide, des refrains entêtants, et pas mal de passerelles entre le rap et le chant.

Mehdi YZ, le grand espoir

Avec une forme parfois plus légère qu’ailleurs, le rap marseillais est toujours resté très ancré dans la rue, et les vicissitudes de la vie locale ont imprégné de manière profonde et définitive les artistes locaux. Là où les rappeurs se sentent parfois obligés d’en faire des tonnes pour grossir leur CV ou noircir les conditions de vie dans leur zone, les Marseillais ont tendance à rester très sincères dans leur état d’esprit et leurs récits, à l’image du Rat Luciano, de Jul, et donc de Mehdi YZ aujourd’hui, qui s’inscrit dans la droite lignée de ses deux illustres prédécesseurs.
Auteur de titres éparses disséminés sur les plateformes et sur YouTube, et surtout d’une série de freestyles dont chaque épisode tend doucement mais surement vers le million de vues, Mehdi YZ a charbonné tout au long de l’année 2018, et devrait finir par récolter les fruits de tout ce travail entrepris ces derniers mois. Figurant parmi les principaux espoirs de la cité phocéenne, sa trajectoire pourrait le mener tout droit vers les sommets, à moins que, et c’est fort probable, Mehdi n’en ait pas grand chose à carrer des certifications et des récompenses.

Alonzo, la transition entre les générations

Au palmarès des trajectoires les plus improbables du rap français, celle d’Alonzo tient le haut du pavé : après avoir bercé pendant des années les oreilles plutôt chastes des auditeurs des Psy 4 de la Rime et surfé sur les succès en compagnie de son groupe, sa carrière solo peine à réellement décoller pendant la période de transition qu'a connu le rap français entre la fin des années 2000 et le début des années 2010. C’est finalement la démocratisation progressive de la trap qui va offrir à Alonzo une seconde jeunesse, avec une pluie de certifications et des collaborations avec les plus grosses têtes d’affiche du moment : Jul, Booba, Lacrim, Gradur… pour n'en citer que quelques-uns.
À l’heure actuelle, Alonzo jouit d'un statut un peu à part au sein du rap marseillais : son bagage et son historique font de lui un vétéran, mais contrairement à la plupart des rappeurs marseillais ayant connu leur heure de gloire durant les années 2000, lui a su rester actuel et s’ancrer dans les tendances les plus récentes. Il est l’un des ces profils pouvant faire le liant entre anciens et nouveau, une figure nécessaire pour éviter les fractures générationnelles qui cassent parfois la dynamique d’une scène locale.

Lil So, une fille dans un milieu de mecs

Quand on parle de rappeuse à Marseille, c’est forcément le nom de Keny Arkana qui ressort. La longévité et la réussite de sa carrière constitue en effet une belle prouesse dans un contexte marseillais qui semble plus difficile qu’ailleurs pour les artistes femmes, puisque les rappeuses à avoir pu s’imposer dans le milieu font plutôt figure d’exceptions. Parmi la nouvelle génération, la jeune Lil So, 20 ans à peine, tente de se faire un nom.
Déjà active depuis quelques années, ses premiers pas au micro étaient ceux d’une adolescente encore loin d’avoir trouvé son style. Après une période de tâtonnement nécessaire, elle semble aujourd’hui avoir trouvé la bonne formule, et chante la misère de ses rues et les dures réalités du terrain marseillais. Dans des coins où les filles doivent parfois se montrer plus viriles que les hommes pour se faire respecter, la jeune femme tire son épingle du jeu en proposant un rap à la fois dur et populaire.

Naps, la star locale

Auréolé de belles certifications en platine ces dernières années, Naps est clairement l’un des poids lourds du rap marseillais. Pourtant, son succès est révélateur d’une réalité locale très spécifique : peu exposé à l’échelle nationale, la majorité de sa fan base se concentre dans sa propre ville, et ce sont ces supporteur locaux qui lui permettent d’afficher des chiffres aussi impressionnants. Marseille est en effet le seul marché musical français, avec Paris, à pouvoir se suffire à lui-même, un peu à l’image de certaines scènes américaines dont les artistes n’explosent qu’à l’échelle de leur État, et s’en contentent très largement.
Après avoir consolidé ses succès sur place, Naps a fini par se lancer à la conquête de l'Hexagone, et les gros médias nationaux n’ont pas pu ignorer sa réussite. Devenu une valeur sûre, ses capacités à faire coexister une forme parfois très légère et des textes empreints d’une certaine émotion font de lui l’un des meilleurs faiseurs de tubes du ter-ter marseillais. Difficile cependant d’anticiper sa trajectoire au cours des prochaines années, tant son avenir dans le monde du rap est incertain, notamment depuis qu’il a annoncé sur Skyrock qu’il ne se voyait pas continuer d'ici 5 ans. Alors, déclaration classique du rappeur que l'on verra encore dans 15 ans, ou véritable volonté de quitter le devant de la scène pour produire dans l’ombre ? Seul l'avenir le dira.

Guirri Mafia, le petit groupe qui monte

De IAM à Ghetto Phénomène en passant par la Fonky Family et Psy 4 de la Rime, la cité phocéenne a vu son histoire traversée par les groupes à succès, capables de transcender les individualités pour hisser le collectif aux sommets. Au sein de la nouvelle génération, c’est la Guirri Mafia qui semble pouvoir tirer son épingle du jeu, avec un état d’esprit à mi-chemin entre un registre très street et des envolées plus douces.
Après quelques années durant lesquelles le groupe, longtemps resté à géométrie variable, a tenté de se structurer et de se professionnaliser, l’aventure semble bel et bien lancée, et l’intérêt croissant du public – sur place, bien entendu, mais aussi à l’échelle nationale – est clairement le signe que tous les espoirs sont permis pour la Guirri Mafia. Présent sur le dernier album de Rohff, « Surnaturel », le groupe a toutes les cartes en main pour faire fructifier sa réussite naissante.

YL, la nouvelle tête d’affiche

Symbole du renouveau du rap marseillais et du potentiel de la nouvelle génération, les maisons de disques parisiennes n’hésitent plus à miser directement sur les jeunes artistes marseillais, alors qu’elles ont longtemps été très frileuses sur ce plan. Disque d’or dès son premier projet chez Def Jam, YL développe progressivement sa carrière et tente de passer la vitesse supérieure en ce début d’année 2019 avec deux albums publiés en deux semaines au mois de février.
Arrivé avec le statut d’espoir du rap français, le rappeur a su transformer l'essai, et se trouve désormais face à deux voies possibles : grossir et devenir l’un des poids lourd du rap français, ou rester un rappeur entre deux eaux, qui n’aura jamais trop de mal à faire ses chiffres mais devra toujours composer avec un plafond de verre. Sur le plan artistique, YL représente plutôt un retour aux sources de ce qui a fait l’essence du rap marseillais dans les années 1990 et 2000 : plus axé sur le kickage pur et dur que sur les ambiances légères, il n’aurait pas dénoté au beau milieu d’un freestyle avec la Fonky Family, le 3ème Oeil et Faf Larage il y a vingt ans.

Sch, de Marseille à Palerme

Né à Marseille, Sch a grandi à Aubagne, à une petite demi-heure de voiture de la cité phocéenne. Qu’on le considère comme un pur marseillais ou comme un lointain banlieusard, Sch a toujours pris soin de dédicacer Marseille dans ses textes, et reste le meilleur représentant de tout l’imaginaire mafieux qui se dégage de cette ville. Là où les autres rappeurs de la liste ont une tendance très terre-à-terre, ancrée dans la vie de rue, avec un réalisme cru, Sch a clairement pris la direction inverse. De plus en plus imagé, son rap est à Marseille ce que « Gomorra » est à Naples ou « Le Parrain » à la Sicile : l’une des meilleures représentations cinématographiques possibles, avec une frontière parfois très fine entre réalité et fiction.
Grand espoir du rap français en 2014-2015, son explosion a laissé un petit goût d’inachevé à ses fans. Si son premier projet officiel, « A7 », reste l’un des derniers classiques du rap français, ses projets suivants ont divisé la critique. Son nouveau départ en 2018, avec changement de maison de disques et retour à son équipe originelle, celle de Katrina Squad, a remis le Marseillais sur les bons rails, et son album « JVLIVS », a été l’un des plus plébiscités l’année dernière.

Dadinho, le gamin aux dents longues

Déjà actif au début des années 2010 alors qu’il n’était encore qu’un adolescent prépubère, Dadinho a pas mal bourlingué depuis, et son style très brut de décoffrage a fait de lui l’un des profils les plus intéressants du panorama marseillais pendant les années qui ont suivi. Après avoir, petit à petit, canalisé son énergie et professionnalisé sa démarche, il semble aujourd’hui prêt à prendre son envol, à l’image d’un footballeur sorti d’un centre de formation et effectuant ses premiers bouts de match en équipe professionnelle.
Quand on a connu Dadinho à ses débuts, très juvénile, ce qui interpelle le plus est peut-être sa transformation physique. Étoffé et plus mature, son évolution renvoie directement à celle de sa musique, longtemps restée très instinctive, et désormais plus travaillée, avec une direction artistique plus précise, et un plan de carrière qui, s’il est loin d’être téléguidé, semble plus réfléchi que par le passé. Niveau thématiques, on est dans la pure exploration des vicissitudes que subissent les habitants des quartiers Nord : règlements de comptes liés aux dures lois de la rue, argent facile et vie dure. En somme : toute la violence d’un mode de vie jamais vraiment glorifié mais toujours assumé.