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La championne du monde kayak Nouria Newman nous parle de sa double vie de kayakiste et étudiante.
© Samo Vidic/Red Bull Content Pool
Productivité
« J’ai souvent dû bosser entre mes manches ou faire des nuits blanches »
Nouria Newman est championne du monde. Mais pas seulement. Elle a allié sa passion à un quotidien d'étudiante. L’an dernier, elle a obtenu son diplôme de journaliste. Elle raconte cette double vie.
Écrit par Ruben Curiel
Temps de lecture estimé : 9 minutesPublished on
Pourquoi as-tu continué les études après avoir percé dans ta discipline ? C’était pour garder une forme d’équilibre ?
Pour mes parents, c’était d’abord l’école, ensuite le kayak. J'ai pu rater quelques cours pour partir en stage ou en compétition, à condition que je respecte ma part du contrat en assurant à l’école. Du coup, j’ai toujours été motivée pour les cours, parce que si je me plantais, ça voulait dire « pas de kayak ». En plus, quand on fait un « petit » sport, il vaut mieux préparer sa reconversion.
Tu n’as jamais choisi entre freestyle, slalom et rivière. Tu as encore cette volonté de tenter plusieurs choses à la fois ? Tu ressens ça dans tes études aussi ?
Je n’ai jamais vraiment su choisir entre le freestyle, le slalom et la rivière. J’aime le kayak sous toutes ses formes et pour les études, c’est un peu pareil. Après le bac, l’idée de faire du journalisme me plaisait bien, mais j’étais indécise sur mes choix d’orientation. Admission Post Bac, c’est le synonyme de l’enfer. Du coup, la formation généraliste de Sciences Po était aussi une manière de ne pas avoir à choisir tout de suite.
Où as-tu étudié ?
Pour pouvoir mener de front ma pratique sportive et mes études, je suis partie à Toulouse. J’ai intégré l’Institut d’études politiques et le pôle France de la Fédération française de canoë-kayak.
Tu avais des horaires aménagés ?
À l’IEP, il n’y avait pas vraiment d’horaires aménagés pour les sportifs de haut niveau mais j’avais le droit d’être absente. Je pouvais changer de groupe de TD pour avoir des horaires plus arrangeants et j’ai pu dédoubler ma troisième et ma cinquième année.
Faire des études de journalisme, c’était un moyen de changer totalement d'univers à la fin de ta carrière ? Ou une chose que tu voulais faire depuis toujours ?
Faire du journalisme, c’est quelque chose qui m’a toujours intéressé. J’ai grandi avec beaucoup d’admiration pour mon oncle, George Abou, qui était journaliste à RFI, et mon amie Alice Bomboy qui, en plus d’être une excellente journaliste, a été un de mes mentors en kayak quand j’étais jeune. Après, je ne suis pas complètement arrêtée sur le journalisme, il y a d’autres domaines qui m’intéressent.
Nouria Newman, championne du monde© Samo Vidic/Red Bull Content Pool
Tu as l’occasion ou l’envie d’écrire quand tu es en compétition ?
En compétition, je n’écris pas beaucoup. En général, on a un programme chargé et si j’ai du temps libre, je préfère me changer les idées en passant du temps avec des amis ou en lisant un livre. Par contre, je prends toujours un petit calepin avec moi en expédition. Il y a toujours des choses à raconter - et c’est toujours une bonne chose à avoir si on galère pour allumer un feu ! Une fois, on a dû brûler nos cartes parce qu’on avait trop froid, ce n’était clairement pas notre meilleure idée…
Tu ne penses pas que ce soit un handicap par rapport aux athlètes qui se consacrent à 100% là-dedans ?
Ça peut être à la fois un handicap et une force. Je crois que ça dépend vraiment des gens. D’un côté, c’est difficile de jongler pour faire du sport et des études en même temps mais de l’autre, ça peut aussi permettre de trouver un certain équilibre.
Tu as déjà envisagé d’arrêter ? Ou de reprendre les études une fois ta carrière terminée ?
Quand je me levais le matin à 5h30 pour aller m’entraîner toute seule dans des conditions déplorables et quand à 22h j’étais encore en salle de muscu, j’ai souvent pensé à tout plaquer. J’ai fait quelques burn-out, mais vu que ces périodes étaient toujours limitées dans le temps, je pouvais m’accrocher pendant quelques semaines.
Ça t’est déjà arrivé de louper des compétitions parce que tu avais un partiel à préparer ?
J’ai raté pas mal de stages et des « petites » compétitions pour passer mes partiels, mais jamais d’évènements majeurs. Par contre, j’ai raté des partiels en 2014 pour aller faire un IRM en urgence avant les Championnats d’Europe et du coup, j’ai dû repasser toutes mes matières aux rattrapages.
Quand tu étais en compétition, tu continuais à bosser tes cours en parallèle ? Tu as déjà dû bachoter alors que tu devais te concentrer sur la compétition ?
Dans l’idéal, j’essayais de ne pas avoir à bachoter pendant mes compétitions. Mais j’ai souvent dû bosser entre mes manches ou finir des dissertations à la dernière minute en faisant des nuits blanches après les courses. Après, en kayak, on a de la chance parce que les compétitions les plus importantes n’ont pas lieu pendant l’année universitaire.
Tu avais des trucs spéciaux pour pouvoir bachoter sans pour autant aller en cours ?
Le secret, c’est d’avoir des super amis, de préférence sérieux et bons en cours, qui vont en amphi, qui te passent leurs notes et avec qui tu peux réviser avant les exams. Un grand merci à eux parce que je leur dois mon diplôme.
Nouria Newman en Nouvelle-Zélande© Graeme Murray/Red Bull Content Pool
Comment tu organisais tes journées ?
L’organisation, ça n’a jamais été mon point fort mais du coup, j’ai été forcée de m’adapter. Une journée type quand j’étais à Sciences Po, c’était la course. En général, je me levais tôt pour faire une première séance d’entrainement avant le début de la journée : soit un footing, soit une séance aérobie en kayak. Après, j’allais en cours. Et en fonction de mon emploi du temps, je retournais m’entraîner une ou deux fois dans la journée. J’étais presque toujours en retard. Souvent, je prenais mon petit déjeuner en cours. Et j’étais probablement la seule élève qui se ramenait à l’IEP avec les cheveux trempés, en jogging, sans même une feuille ou un stylo, parce que je n’avais pas eu le temps de repasser chez moi.
Quand tu étais en période de partiels, comment tu t’organisais pour t’entraîner ?
En période de partiels, je ne m’entraînais pas. Je ne faisais que bosser - et j’avais de boulot ! Il m’arrivait parfois de découvrir un semestre entier de cours, la veille pour le lendemain. Honnêtement, il y a des fois où je me demande vraiment comment j’ai pu valider certaines matières. J’allais uniquement faire un tour de kayak quand je n’en pouvais plus.
Tu as eu l’occasion de faire des stages en journalisme ? De bosser dans des rédactions ?
J’ai fait quelques stages en journalisme à RFI, au service photo du Figaro Magazine et à la république des Pyrénées à Pau. Mais j’ai fait mes autres stages en communication à Londres et en politique sportive avec la Fédération française de canoë-kayak. Et avec Thierry Braillard lorsqu’il était secrétaire d’Etat aux Sport.
Tu as signé une tribune dans le Huffington Post. Raconte-nous comment tu as eu cette opportunité ?
Dans le cadre du Pacte de Performance, j’ai intégré une start-up qui s’appelle Goaleo, avec un contrat d’insertion professionnel qui permet aux athlètes de haut niveau de travailler tout en étant partiellement détaché, pour se consacrer à leur pratique sportive. Chez Goaleo, j’écrivais des tribunes et celle sur ma non-sélection aux Jeux Olympiques a été reprise par le Huffington Post.
Nouria Newman sur la Rivière Kaituna© Graeme Murray/Red Bull Content Pool
Quand on passe trop de temps dans un kayak au lieu de travailler, on finit par ramer.
Nouria Newman
Tu veux faire du journalisme sportif ? Étant sportive de haut-niveau, as-tu un avantage pour parler du sport en tant que journaliste ?
Pour l’instant, je veux surtout me concentrer sur le kayak et faire les choses que je ne pourrais plus forcément faire dans 10 ans. Aujourd’hui, le journalisme me permet de documenter mon sport, et le kayak me permet d’avoir des choses à raconter.
Tu aimerais écrire sur des sujets, des angles, totalement différents du kayak ?
J’aimerais bien écrire sur des sujets différents. Mais pour l’instant, je consacre beaucoup de temps au kayak. Quand je travaillais au cabinet du secrétaire d’Etat aux sports, j’aimais bien écrire les discours.
Tu vis à un rythme très exigeant… Comment tu arrives à garder de l’énergie ?
Quand je n'en peux plus, je dors. Cette année, je suis partie sur une petite expédition avec une copine et j’ai dormi 15 heures d’affilée.
Comment ce statut de professionnel/étudiant est vu dans le milieu ?
En kayak, la grande majorité des athlètes font des études. Alors on est souvent dans la même situation. Après, il y a des sportifs qui mettent 10 ans pour faire un master. À l’IEP, il n’y avait pas beaucoup d’aménagements possibles et moi je préférais enchaîner.
Est-ce qu’il t’arrivait de faire des soirées, de sortir avec tes potes ? De profiter de la vie étudiante...
En 6 ans à Toulouse, je n’ai pas fait beaucoup de soirées étudiantes. J’évitais les fêtes mais par contre j’essayais de passer du temps avec mes amis : aller au ciné, prendre un verre, diner ensemble, aller voir une expo… Pour faire du sport de haut niveau, il faut être rigoureux, travailler dur, mais il faut aussi savoir lâcher prise et profiter un peu. Parce que sinon, tu vas droit dans le mur.
Tu donnerais quoi comme conseil à quelqu’un qui veut devenir pro ? Tout en continuant ses études…
Accroche-toi !
Comment tu parviens à garder la même motivation tous les jours ? Même quand ça va moins bien ?
Parfois c’est dur de rester motivée. Il y a la fatigue, les blessures, les échecs… Dans ces cas-là, c’est important d’être bien entourée. J’ai beaucoup de chance d’avoir un entraineur incroyable, des amis géniaux et des parents qui me soutiennent.
Quelle place a Red Bull dans ta vie étudiante ? Dans ta vie sportive ?
Red Bull m’a sauvé pendant mes semaines de partiels et quand je rédigeais mon mémoire. Quand on passe trop de temps dans un kayak au lieu de travailler, on finit par ramer. Pour pouvoir apprendre mes cours à la dernière minute ou rendre mes travaux à temps, j’ai fait beaucoup de nuits blanches. Et pour tenir le coup, je prenais du Red Bull et je faisais des micro-siestes. Au quotidien, je bois du Red Bull quand j’ai un coup de barre ou lorsque je voyage, pour les longs trajets en voiture ou pour combattre le jet-lag. En kayak, on ne prend pas toujours le temps de s’arrêter pour boire lorsqu’on est sur la rivière mais parfois, je prends du Red Bull avant les courses ou sur les longues marches d’approches en expédition. J’aime bien mélanger du Red Bull avec de l’eau dans ma gourde. Ça rajoute un peu de goût, un peu de sucre et de caféine, en évitant les bulles pendant ou juste avant l’effort.
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Nouria Newman

La kayakiste française Nouria Newman, vice-championne du monde de kayak extrême en 2016, s'est aventurée en solitaire dans l'Himalaya en 2018 avant une expédition en Patagonie en 2019. Entre autre.

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