Lionel May, de Téléverbier, nous explique les différentes étapes de la construction d’une piste.
© Andy Parant/Office du tourisme
Ski alpin

Mais comment on crée une piste de ski ?

De nouvelles pistes de ski voient le jour tous les ans en France. Comment ? Pourquoi ? Un expert nous répond.
Écrit par Vincent Girard
Temps de lecture estimé : 7 minutesPublished on
La station d’Arc 1950 est la dernière station française à avoir vu le jour en 2003. Aujourd’hui, la tendance vise davantage à améliorer ou étendre les domaines skiables existants plutôt que de construire une station entière. Mais entre le moment où une nouvelle piste est imaginée et celui où les premiers skieurs attaquent la pente, il se passe plusieurs années pendant lesquelles patience et rigueur sont les maîtres mots pour les stations.
Nous avons rencontré Lionel May, Directeur d’exploitation de Téléverbier, pour qu’il nous explique les différentes étapes de la construction d’une piste. Et découvrez en bas de l’article les dernières descentes créées sur les domaines français ces dernières années.
Val Thorens

Val Thorens

© [unknown]

Pourquoi créer une piste ?

« Aujourd’hui, une station comme Verbier construit des remontées mécaniques performantes pour placer les skieurs et snowboardeurs sur les 230 hectares de pistes que l’on a. Ensuite, on regarde le nombre de personnes qui empruntent ces installations et on compare ces chiffres avec le débit prévu sur ces remontées mécaniques. C’est ce rapport qui nous permet de mieux savoir si on doit étendre une piste ou en créer une autre sur un point précis du domaine.»
« On peut aussi décider de lancer des travaux pour améliorer notre offre, comme on l’a fait en 2017 avec l’apparition de deux nouvelles pistes bleues sur le secteur de La Chaux, car on manquait de descentes faciles. Enfin, on ambitionne de faire venir une Coupe du Monde à Verbier. Ça peut demander, là aussi, une réhabilitation de certaines pistes car les exigences de la FIS (Fédération Internationale de Ski) ne sont pas les mêmes que pour un tracé classique.»

Une procédure bien définie

« Pour créer une nouvelle piste, on la dessine tout d’abord dans nos bureaux. Ensuite, on va sur la montagne et on regarde concrètement ce qu’elle pourrait donner sur le terrain. Une fois qu’on s’est mis d’accord sur un tracé, on utilise alors le "Plan de zone" qui référence l’ensemble des remontées mécaniques et des pistes de la station. À Verbier, le dernier "Plan de zone" a été créé en 2012 et homologué par les services cantonaux. Ça nous donne donc une ligne directrice pour les 15 prochaines années en ce qui concerne les modifications ou créations des remontées mécaniques et des pistes. Ensuite, on débute par une importante étude de la zone sur laquelle on veut créer une piste. On doit répondre à plusieurs questions :
  • La piste va-t-elle être enneigée mécaniquement ou non ?
  • Faut-il niveler le terrain (si oui dans quel volume) ?
  • Comment sont traités les matériaux excavés
  • Touche-t-on à des zones sensibles sur le plan environnemental ?
  • Que donnent les études géologiques sur ce terrain ?
  • Existe-t-il des zones de protection de source sur place ?
« Après avoir répondu à toutes ces questions via des analyses et des prélèvement effectués pendant l’été, le tout est posé à plat dans un rapport. Ce dossier est ensuite déposé publiquement.»
Les pistes de ski de la station de Verbier dans le Canton suisse du Valais au petit matin l'hiver.

Verbier au petit matin

© verbier.ch

" Quand tout se passe bien. C'est-à-dire quand on n’a pas d’opposition ou de demande de compléments d’informations de la part des autorité, on peut alors attaquer la construction de la piste qui dure entre trois et quatre mois l’été. Au final, il faut compter entre deux et trois ans pour la création complète d’une piste, et ça peut parfois aller jusqu’à cinq ans. "

Le type de piste recherché : large et sans aspérité

« Au fil des années, la clientèle a accru son niveau d’exigence. Aujourd’hui, elle demande des pistes larges, lisses de haut en bas avec le moins d’aspérités possibles. Il ne faut pas qu’il y ait de goulets d’étrangement ou qu’elle soit trop physique. La piste doit être tracée le plus dans l’axe possible de la pente avec peu de mouvements de terrain. Et pour nous aussi, ce type de piste est un gain de temps et d’argent. Si elle est lisse et peu bosselée, c’est plus facile pour les dameurs de l’entretenir. On n’est aussi pas obligé de remplir des creux avec de la neige artificielle. Donc bien travailler une piste l’été, c’est rentable pour l’hiver.»

Un coût qui reste important

« Pour créer une piste de A à Z, il faut compter pas loin d’un million d’euros. C’est un coût important, c’est pourquoi on en étudie parfaitement la faisabilité avant de nous engager. Concernant l’entretien avec une correction de piste, c’est environ 70 000 euros. On vient d’ailleurs de déposer un dossier pour corriger un bout de piste de 200 mètres de long à l’été 2020.»

L’environnement dicte le tempo

« Avant de créer une piste, on doit évidemment réaliser une analyse complète de tout ce qui concerne le milieu naturel, que ce soit la faune, la flore, l’air, les vibrations, les eaux souterraines, les eaux superficielles (en surface), les sols, la conservation de la forêt, l’impact sur la chasse, la protection des paysages naturels, les conséquences sur les chemins pédestres ou VTT
Certains projets de création de piste sont définitivement refusés parce qu’on touchait à des zones sources, c'est-à-dire à l’infiltration naturelle de l’eau qui est filtrée à travers le manteau rocheux.»

Améliorer la signalétique plutôt que de construire une piste

« L’étude des flux des comportements des skieurs est essentielle pour nous. On utilise l’affluence des remontées mécaniques pour mieux comprendre notre domaine. Parfois, il n’y a pas forcément besoin de modifier une piste, mais simplement d’améliorer la signalétique. Les skieurs ont en effet l’habitude de prendre certains gros axes sans imaginer que l’on puisse passer ailleurs. Le trafic peut donc se fluidifier en les informant mieux.
Mais parfois, des travaux sont nécessaires quand une piste rencontre un gros succès. Si les remontées mécaniques nous indiquent que les chiffres sont plus conséquents que prévus, on peut décider d’élargir une piste. Les skieurs ont souvent leurs habitudes sur une station en empruntant les mêmes pistes. Les faire dévier vers une nouvelle, ce n’est pas facile, mais si le travail a été bien fait, ils y viendront.»
Portrait d'un rider remontant une piste de ski dans un domaine skiable.

Objectif ski !

© Patrick Ribis

Les nouveautés en France en 2020

Avec plus de 350 stations et 4 000 km de pistes balisées, la France est au premier rang mondial en nombre de remontées mécaniques (3 210 exactement en 2018). Mais si ce domaine skiable est déjà le plus étendu au monde, de nouvelles pistes continuent pourtant de voir le jour. Ces dernières saisons, outre le ski de randonnée qui continue à se développer, le ski alpin propose aussi de nouveaux aménagements :
La Rosière : Deux nouveaux télésièges ont ouvert il y a deux ans dans la station de la Tarentaise. Ces derniers sont destinés à desservir l’aménagement de cinq nouvelles pistes rouges. Résultat, le point culminant du domaine skiable est désormais situé à 2 800 mètres d’altitude. C’est le plus gros projet d’extension d’un domaine skiable en France sur les trois dernières années.
Valloire : Une nouvelle piste baptisée "La Primevère" a été créée en 2019 sur le secteur Crey du Quart. Elle permet de rejoindre le secteur Brive via le plateau de la Séa.
Valmeinier : Grâce à l’installation d’un nouveau télésiège débrayable de six places sur le domaine skiable de Galibier- Thabor, la station a créé deux nouvelles pistes rouges l'année dernière (baptisées "Moraine" et "Carline") dont le départ se trouve à 2 750 mètres d’altitude. Au total, il est possible de skier sur 10 km supplémentaires de glisse sur 450 mètres de dénivelé avec un superbe panorama au sommet.
Val d’Allos – La Foux : Une piste bleue a vu le jour cette saison grâce au nouveau télésiège débrayable Marin Pascal.
Morzine : Sur le secteur de Nyon, la piste "L’aigle rouge" a été entièrement refaite sur deux kilomètres entre la pointe de Nyon à 2 019 mètres et le plateau à 1 413 mètres. Sur le secteur de Pleney, c’est une piste bleue qui permettra aux skieurs de bénéficier d’une variante à la Grizzli depuis l’arrivée du télésiège de Belvédère.
Blanche Serre Ponçon : Création d’une nouvelle piste verte dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Val Thorens : Depuis 2018, trois itinéraires permettent de descendre depuis la Cîme Caron avec la création d’une nouvelle piste rouge qui vient s’ajouter à celles du Col de l'Audzin et de la Combe Caron. Sur le secteur de Boismint, c’est une piste noire ("l'Armoise") qui a été créée la même année.