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Motocross

Ride & Fly : le saut dans l’inconnu de Tom Pagès

Le taulier du FMX est de retour avec un projet complètement fou qui mêle motocross et parapente. Il nous en parle.
Écrit par Red Bull France
Temps de lecture estimé : 8 minutesPublished on
Trois ans après avoir sauté en motocross façon BASE jump depuis une falaise d’Avoriaz dans Flight Mode, Tom Pagès remet le couvert dans une vidéo une fois de plus hallucinante dans laquelle il s’essaie au parapente, toujours à moto. Une cascade unique en son genre qui a nécessité de longs mois de préparation. Il nous raconte.

À quoi ressemble la vie de Tom Pagès en ce moment ?

Ces dernières années, je me suis concentré sur la préparation de ce projet. Je suis beaucoup allé à la montagne, j’ai développé le matériel pour la moto, ça a été vraiment de la conception et de l’apprentissage. Ça fait un mois que c’est terminé, c’est encore très récent. En parallèle, je fais toujours un peu de moto. Moins en freestyle, moins en jump, mais plus en moto plaisir en vitesse. J’ai aussi continué les courses sur sable en hiver comme l’Enduropale du Touquet notamment.

Portrait de Tom Pagès avec sa voile et sa moto.

Tom Pagès avec sa voile et sa moto

© Sandro Baebler

Tu es passionné par le BASE jump, mais tu viens pourtant d’un milieu assez éloigné de cette discipline, qu’est-ce qui t’a amené à t’y essayer ?

J’ai commencé le parachutisme il y a pas mal d’années maintenant et j’ai ensuite rencontré Fred Fugen et Vince Reffet des Soul Flyers. C’est à partir de là que le projet Flight Mode a d’ailleurs vu le jour. Aujourd'hui, je n’en fais plus parce que je n’ai plus le niveau… il faudrait repartir de zéro, refaire du parachutisme etc. J’ai refait du parapente, j’ai sauté depuis des hélicoptères. Mais depuis une falaise, c’est un autre délire, il faut vraiment être préparé.

En termes de prépa, comment ça se passe justement ?

Il faut faire énormément de sauts et être préparé. Il faut avoir des automatismes, surtout lors de l’ouverture du parachute qui est le moment charnière du saut. Il y en a d’autres qui sont importants comme le départ parce que s’il est mal pris, on peut manquer de temps pour se stabiliser avant l’ouverture du parachute. C’est un sport qu’il faut pratiquer très régulièrement.

Toi qui es habitué à la vitesse, à la gravité et aux risques, comment tu gères la peur, le stress ? Tu as des mécanismes ou une routine pour passer outre lors de projets comme Ride & Fly ?

Dans tous les cas, le stress est là et il faut faire avec. Ce que je me dis, c’est qu’il faut être prêt, si tu sais que tu l’es, statistiquement, il ne va rien t’arriver. C’est comme ça que je fonctionne. Plus la préparation est affûtée, plus tu mets les chances de ton côté. Au moment venu, tu as toujours beaucoup de stress, mais tu sais que si tu es là, c’est pour une raison.

Accomplissement : Tom Pagès dans une autre dimension à Avoriaz, avec sa Yamaha équipée d’une voile de parapente qui lui permet de voler.

Tom avec sa Yamaha équipée d’une voile de parapente qui lui permet de voler

© Oliver Godbold/Red Bull Content Pool

D’où est venue l’idée de Ride & Fly ?

C’est arrivé après le projet Flight Mode où l’idée première était de faire un saut BASE jump et de rester en moto lors de l’ouverture du parachute. Mais c’était quelque chose qui n’était techniquement pas possible à l’époque. Après le projet, avec les collègues, avec Valentin Delluc, on discutait et on imaginait comment on pourrait rester en parachute avec la moto. La solution la plus évidente, c’était de ne pas sauter mais de décoller. Et de là, l'idée est venue d’apprendre à voler avec la moto et de combiner tout ça, mais avec des petites voiles pour pouvoir rester proche du sol et pas juste faire un vol parapente. Il a fallu que j’apprenne énormément de choses, parce que je ne connaissais rien au parapente. Quel type de voile, quelle taille, comment accrocher la moto… Il y a plein de choses que j’ai essayé de faire seul mais heureusement j’ai pu me tourner vers les collègues spécialistes comme Valentin Delluc, son coéquipier Ugo Gerola et un local, Pacôme Schmitt, qui lui aussi connaît bien les spots et m’a énormément aidé sur les phases de vol.

Ta famille a une appétence pour les sports extrêmes…

Je ne sais pas, ça vient peut-être de mon père tout ça (rires). J’ai le sentiment que mon frère était encore plus engagé que moi. J’ai tendance à me dire que ce je fais n’est pas si extrême, donc ça me rassure. Ce qui est compliqué, c’est quand tu es le seul à faire quelque chose : tu ne sais pas trop où est la limite. Quand tu es dans l’inconnu le plus total, comme pour Ride & Fly, tu ne sais jamais vraiment où te situer pour ne pas prendre de risques.

Après des mois (années?) à réfléchir puis optimiser le concept de vol à moto sous voile, Tom a atteint une maîtrise qui lui a permis d’évoluer en l’air et de jouer avec le relief.

Que du kiff

© Dom Daher/Red Bull Content Pool

Au total, tu t’es entraîné pendant combien de temps ?

Deux ans et demi. J’ai fait quatre disciplines en même temps pour apprendre l’aérologie, les finesses d'atterrissage. Je voulais savoir un peu tout faire, et ça m’a bien aidé, parce que l’atterrissage était très compliqué au départ. Je n’habite pas à la montagne, j’ai donc fait beaucoup d’allers-retours (à Morzine-Avoriaz N.D.L.R), et parfois, la météo ne te permet pas de voler. C’était beaucoup de temps sur place pour faire quelques vols, ce n’était pas un projet ultra facile et très chronophage.

Comment se passe le parapente avec une moto ? Ça doit drastiquement modifier la manœuvrabilité, non ?

Oui, tu ne fais pas du tout la même chose. Après, peut-être qu’en progressant, j’aurais pu le faire parce qu’à chaque vol, j’étais meilleur. Au total, j’ai dû faire 80 vols. Là où il faut se méfier, c’est qu’il y a beaucoup d'inertie pendant les virages. ça peut paraître facile et très lent, tu te dis que tu peux faire ce que tu veux, jusqu’au moment où la moto passe un cap, et à ce moment-là, elle plonge et ça devient compliqué de redresser.

Seul, Tom Pagès a repoussé les limites du FMX des années durant, inventant sans cesse de nouveaux tricks. Puis Tom a voulu innover autrement, et collectivement.

Plus loin

© Oliver Godbold/Red Bull Content Pool

Il n’y a pas de trous d'air quand on vole si bas ?

Le danger, il est surtout au sol, avec l’impact. On choisissait vraiment la météo et c’était toujours tôt le matin ou tard le soir, pour éviter les chocs thermiques. Quand le sol se réchauffe, l’air froid descend, et ce n'est pas agréable en vol. Dès que le vent soufflait un peu trop fort, on n’y allait pas non plus. C’est pour ça que sur une semaine, voler un jour avec la moto était déjà pas mal.

C’est quoi le plus gros défi dans une vidéo pareille ?

Quand j’ai lancé le projet, je pensais que ce serait beaucoup plus facile. Finalement, ça a été très compliqué à tel point que parfois, je n’y croyais plus vraiment tellement il y avait de problèmes. La voile était impilotable avec la moto, les décollages étaient inconcevables, et je m’en suis rendu compte en travaillant le projet. Développer le matériel, l’imaginer, ça a été aussi ultra compliqué.

Comment ça s’est passé, justement, pour le matériel ?

Il a fallu d’abord développer un système sur la moto pour accrocher le harnais. Une fois que c’était fait, j’ai accroché la moto au plafond de mon garage pour voir si elle était équilibrée, mis les mousquetons, réfléchi au positionnement de la voile etc. Une fois que tu as fait tout ça, il faut vérifier si ça fonctionne, si c’est le bon système de pilotage, si les sangles sont assez résistantes etc. J’ai eu beaucoup d’échanges avec Red Bull et tout s’est finalement très bien passé.

Tu es connu pour être quelqu’un d’hyper innovant, est-ce que tu ne subis pas cette pression constante de devoir apporter de la nouveauté ?

Les gens me demandent tout le temps si j'ai un nouveau projet, et quand je leur dis que je n’en ai pas , ils ne me croient pas. Même pendant ces deux années, les gens étaient dans l’attente. Moi je me dis : “j’espère que ce sera à la hauteur.” C’est quelque chose qui me stresse un peu. J'espère que ça va plaire.

Tom Pagès réalise une figure en motocross freestyle impressionnante à Mumbai, en Inde.

Tom Pagès à Mumbai

© Red Bull Content Pool

Il y a un projet que tu as en tête actuellement et que tu aimerais monter ?

Plein, il faut juste les concrétiser maintenant. Jusqu’à présent, j’étais vraiment concentré sur Ride & Fly et je ne faisais rien d’autre. Je ne voulais surtout pas me casser un poignet ou un truc avant de pouvoir terminer ça. En général, je fonctionne toujours comme ça, même à l’époque où je faisais du FMX. Je suis très rigoureux pour ne pas me blesser. Maintenant, j’ai l’esprit un peu plus libre, il va falloir penser à la suite. J’en suis au même point qu’après Flight Mode, je laisse retomber la pression, mais c’est vrai que j’ai toujours des idées un peu stupides et encore plus dingues. Il faut juste mettre ça sur papier et y réfléchir, parce que ça va encore demander énormément de développement.

Tom Pagès pour Red Bull dans la forêt

Tom Pagès à pleine vitesse en forêt

© Red Bull Content Pool

Dans un style différent ?

Toujours dans le même. Chaque fois que je vole, j’apprends beaucoup et ça m’ouvre des portes, je vois des possibilités au niveau du vol, de la moto… il y aura encore plus de risques, donc il faut voir si le jeu en vaut la chandelle.

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Tom Pagès

Le pilote français Tom Pagès s’est imposé comme l’un des patrons incontestés du FMX. En 2019, il a remporté la médaille de bronze du “Best Trick” et l’or du “Best Whip” aux X Games de Shanghai.

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