C’est la hantise la plus répandue pour quiconque se lance en impro : et si jamais on se ratait en public ? Panne d’inspiration, bafouillage, défaite cuisante… les scénarios catastrophes sont nombreux. On les a donc répertoriés et demandé quelques conseils aux tauliers du Red Bull Dernier Mot. Concrètement, si vous évitez tous les pièges ci-dessous, il y a même de grandes chances que vous fassiez une impro assez correcte. À vous de jouer.
Être trop coincé
La base d’une bonne impro c’est souvent de faire en sorte d’être suffisamment à l’aise pour faire sauter les freins naturels que l’on pourrait avoir : la peur de s’afficher, le doute sur certaines rimes, etc. Si vous voulez garder une bonne fluidité, débarrassez-vous de vos inhibitions.
Fleyo: « C’est un peu mon problème, j’ai rarement été à 100 % libéré de toute contrainte mentalement, alors qu’une bonne impro nécessite d’être assez détaché. Souvent, tu te mets des blocages sans t’en rendre compte et à partir de là, tu ne peux pas dépasser le niveau d’une impro qui peut passer mais qui sera assez banale. »
Être trop débridé
À l’inverse, c’est bien de se lâcher et d’être vraiment décomplexé mais attention à ne pas dépasser certaines limites non plus, ça peut donner des grands moments de solitude même si vous ne le réalisez pas tout de suite.
SMR: « Tu peux parfois aller trop loin. Moi, je me suis mis à rapper en egotrip que j’avais payé des mecs dans la salle avec des couteaux. Totalement horrible, on était juste après les attentats, ça a causé un gros malaise (rires) et je ne m’en rendais même pas compte sur le coup ! C’est le risque quand tu ne contrôles pas. Le truc, c’est que quand je suis en impro je suis dans une sorte de personnage, qui reste moi mais en plus décalé, second degré. Donc il y a un côté ça passe ou ça casse. »
Faire trop compliqué
La tentation d’être particulièrement technique ou original peut se poser mais il ne faudrait pas oublier le principal : vous vous adressez à un public et vous devez assurer le spectacle. Et pour ça, c’est mieux quand tout le monde comprend ce que vous dites.
SMR : « À trop vouloir mettre de rimes compliquées dans sa phrase on en perd le sens, le rythme, bref l’essentiel. Une bonne impro face à un public, c’est avant tout l’efficacité. À se perdre dans des schémas de rimes complexes, tu perds tout le monde. Faut pas oublier qu’une impro, c’est sur l’instant : on l’écoute qu’une fois. Donc pas besoin d’en faire trop non plus. Parfois aller au plus simple ça marche mieux. »
Être trop agressif
Bien sûr dans un contexte d'un battle c’est très tentant de jouer la carte offensive, mais il faut quand même savoir doser. Un passage 100 % orienté violence/insultes peut être très facilement tourné en dérision par à peu près n’importe quel adversaire qui utilise l’humour comme réponse.
DJ Keri : « Un jour, Philémon est tombé sur un adversaire qui venait de Clermont-Ferrand, qui était arrivé en mode très agressif et insultant. Sauf que face à Philémon, c’est une mauvaise idée : Philémon va faire de l’aïkido avec toi, prendre ta force et la retourner contre toi. C’est ce qu’il s’est passé, il l’a flingué. »
Se mettre la pression
Ok c’est une compétition où vous devez être le meilleur, mais ce n’est pas non plus synonyme de torture mentale, pensez quand même à prendre du plaisir et être détendu, c’est l’essentiel. Ce n’est qu’un battle, il y en aura d’autres et personne ne vous lapidera si vous perdez.
Fleyo : « Dans un battle face à face, ton but est 'juste' de montrer que tu es plus fort que l’autre. Dans un contest d'impro plus varié, tu peux développer plus de choses et le revers de la médaille c'est de vouloir trop en faire si par exemple tu sais qu'il y a des chasseurs de tête dans la salle. Du coup, je préfère aujourd'hui la formule battle parce que paradoxalement je suis moins sous pression. Mais dans un contest, dès qu'on me dit 't'es en finale', je me mets des barrières. »
Transgresser les règles
Si on vous dit que certains mots, tournures de phrases ou même thématiques sont prohibées, essayez de vous en souvenir. Dans le cas contraire, vous serez un peu comme un type qui arriverait à un examen et qui déciderait de ne pas suivre les consignes, même en philo ça ne marche plus depuis longtemps.
Daks:« À Dernier Mot, on s’était dit 'pas d’allusions aux mères'. Or pendant mon clash contre SMR il balance une phrase sur ma mère et là je lui fais comprendre qu’il a oublié ce qu’on s’était dit. Rien de méchant, mais avec le recul, je crois que ça l’a un peu déstabilisé parce qu’il a dû commencer à réfléchir à sa propre impro, et c’est le piège. Donc vraiment ça tient à rien parfois. »
Se laisser déstabiliser
Compliqué puisque ça tient autant à votre capacité à gérer la pression en live qu’à votre niveau de concentration et/ou de je m’en foutisme. Mais c’est sûr que si vous montrez ne serait-ce qu’un tic qui fait comprendre à votre adversaire et même au public que vous vous êtes foiré, ils sauront l'exploiter contre vous.
RES Turner: « Il faut toujours éviter de montrer qu'on s'est planté quand ça arrive. Quitte à faire semblant totalement, c’est vraiment la base. »
Suivre un plan préétabli
Même s’il ne s’agit pas d’un texte (ce qui serait tricher) il peut être tentant de réfléchir quelques minutes en amont à son impro à ce que l'on va dire. Mais à force de vouloir trop bien faire, on se retrouve à s’enfermer dans un schéma pré-établi qui ne correspond plus à rien et qui perd l’auditoire par-dessus le marché.
Fleyo : « Moment très gênant : dans une finale EOW régionale, à l'épreuve freestyle bag (on te donne un sac d'où tu sors des objets et tu dois les placer dans ton impro au fur et à mesure) j'avais réussi à faire du storytelling, c'est-à-dire raconter une histoire construite et cohérente de A à Z, un truc de ouf, je ne sais pas comment j'ai fait. Donc à la finale nationale, j'ai essayé de reproduire ça, et je me suis foiré. C'était horrible, les 5 minutes les plus gênantes de ma vie ! Si j'avais pu me téléporter ailleurs je l'aurais fait… »
Se reposer sur des automatismes
Épeler son propre nom plusieurs fois, multiplier les « yo » intempestifs pour combler les hésitations, parler de son micro à tout bout-de-champ, il faut comprendre qu’au bout d’un moment c’est comme sortir une pancarte avec marqué en lettres capitales « là tout de suite j’ai pas trop d’inspi ».
SMR : « Je trouve que les meilleures impros sont celles où on retrouve le moins possible d’automatismes. Mes réflexes, ça va être des petites choses qui viennent remplir le couplet : des demi-phrases qui viennent avant la rime ou la fin de la construction de la phrase. Je me connais, et mes potes aussi ont appris à reconnaître ces phrases-là, du coup ils peuvent me dire 'attends mais ça tu le dis tout le temps en fait' (rires) et c’est ce qu’il faut éviter. C’est vraiment des phrases bateau, bidons du style : 'je prends le micro et', pas plus. Des trucs qui servent de transition. Il faut savoir s'en débarrasser.
Rappeurs, MC's et improvisateurs, sachez que vous pouvez participer au sessions d'Open Mic du Red Bull Dernier Mot. Plus d'infos sur les dates ici !