Parcourir les 300 kilomètres de course en un minimum de temps, en prenant en compte toutes les variables d'ajustement. Voici comment l'on pourrait résumer, grossièrement, le casse-tête insoluble occupant l'esprit des membres d'une écurie lors d'un week-end de course. Car si tous les chemins mènent à Rome, toutes les tactiques ficelées en amont ne produisent pas nécessairement un résultat positif, tant des événements imprévus peuvent chambouler le scénario d'une course. Mais alors, comment se démarquer dans un environnement si imprévisible ? Pour aiguiller le plus précisément possible le pilote, plusieurs dizaines d'ingénieurs analysent, depuis le garage ou l'usine, des millions de données en temps réel. Puis appliquent ou affinent, en fonction du contexte et des événements, la stratégie établie en amont par l'état-major et le pilote. « La stratégie, c’est en fait de l’analyse prédictive, explique James Vowles, stratège de l'écurie Mercedes, dans un excellent papier publié dans le magazine F1i. Ce que nous essayons de faire, c’est de prévoir un résultat à partir de données brutes. Mieux on distingue ce qui est important de ce qui ne l’est pas, plus on a de chances de gagner ».
De fait, l'arrêt aux stands a une importance particulière car il permet, potentiellement, de gagner de précieuses secondes qui se transformeront en points à l'arrivée. Et surtout de minimiser la prise de risques en s'abstenant de tenter un dépassement désespéré. Pour déterminer le timing idéal, les stratèges prennent trois facteurs en compte : le trafic, la durée du passage et la dégradation des gommes. En fonction, ils prévoient un nombre théorique d'arrêts à effectuer et évaluent la faisabilité de deux options : l'undercut et l'overcut. Mais de quoi s'agit-il, au juste ?
Stratégie populaire et éprouvée, l'undercut consiste, pour le pilote « chasseur », à s'arrêter avant le pilote « chassé » pour remplacer ses pneus usés. L'objectif ? Grappiller quelques secondes lors du tour de sortie en profitant des gommes fraîches et, dans l'idéal, de l'absence de trafic. Si le poursuivant passe devant son concurrent après son arrêt, c'est gagné. « Si vous ressortez avec des pneus neufs sur un tour clair, vous pouvez gagner plus d'une seconde » explique Iñaki Rueda, responsable de la stratégie chez Ferrari, dans les colonnes de l'Equipe.
L'overcut est la stratégie inverse et consiste, pour le pilote « chasseur », à rester en piste et tirer le maximum des gommes usées pendant que le « chassé » rentre aux stands, afin de le dépasser lors de son prochain passage. Ça, c'est la théorie. Mais pour bien comprendre l'impact que peuvent avoir ces stratégies en course, penchons-nous sur deux exemples.
L'overcut oublié de Sergio Pérez au Grand Prix d'Azerbaïdjan
Si l'on se souvient d'un scénario complètement fou ponctué par l'explosion du pneu arrière de Max Verstappen et l'envol manqué de Lewis Hamilton, on oublie la bataille stratégique entre les deux écuries qui place, ce jour-là, Sergio Pérez dans les meilleures dispositions pour remporter sa seconde victoire en carrière. Parti sixième sur la grille, le Mexicain réussit son envol et ne tarde pas à se défaire de ses concurrents dans le peloton. Au huitième tour de course, il s'est déjà hissé en troisième position, derrière Lewis Hamilton et son coéquipier. Alors quand le Britannique s'arrête au 11e tour, l'écurie de Milton Keynes tente un coup de poker en laissant le Mexicain en piste avec ses gommes usées. Une stratégie payante : malgré un « slow stop » au 14e tour (4,3 secondes), le Mexicain réalise l'overcut et conserve la position jusqu'à l'accident de Max Verstappen. Placé en pole lors du départ arrêté, il conclut son récital en profitant de la sortie de piste de Lewis Hamilton et d'une gestion millimétrée de sa monoplace lors des deux derniers tours.
La folle remontée de Max Verstappen au Grand Prix de Hongrie
« Notre analyse d'avant-course indiquait qu'on pouvait terminer en cinquième ou sixième position » rappelait Christian Horner en marge du Grand Prix de Hongrie, le 31 juillet dernier. Et pourtant, ce jour-là, Max Verstappen réalise l'impensable en remontant de la dixième à la première position sur un circuit où il est historiquement difficile de dépasser. Comment ? En appliquant une stratégie moins conservatrice que ses rivaux, avec deux passages aux stands et un départ en gommes tendres. Remonté en sixième position après un envol qu'on qualifiera de prudent, le Néerlandais est appelé aux stands dès le 16e tour et réalise l'undercut sur Lewis Hamilton qui ne s'arrête, lui, qu'au 20e tour. Au 39e tour, rebelote : pour se défaire de Carlos Sainz, dont il s'est rapproché grâce à ses gommes mediums, Max Verstappen s'arrête de nouveau pour tenter l'undercut et forcer Georges Russell, positionné juste devant l'Espagnol, à calquer sa stratégie sur la sienne. « Russell n'a pu conserver sa position après le deuxième arrêt de Max Verstappen, alors qu'il avait deux secondes d'avance, car le rythme de Verstappen lors du tour de sortie était incroyable » explique le journaliste Mark Hughes sur le site officiel de la Formule 1. Profitant de l'erreur stratégique de Ferrari, qui chausse des gommes dures sur la monoplace de Charles Leclerc, il prend la tête de la course au 45e tour et ne la quitte plus. Un plan qui se déroule sans accroc.
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