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Rome, le 2 septembre 1960. Le Néo-Zélandais Peter Snell offre la première médaille d’or olympique de l’histoire à son pays. Moins de 50 minutes plus tard, Murray Halberg, Néo-Zélandais également, devient lui aussi champion olympique du 800 mètres. Ces deux athlètes se connaissent. Ils ont été entraînés par un même homme, sacré des années plus tard comme le « meilleur coach de running de tous les temps » par le magazine Runner’s World. Son nom, Arthur Lydiard, reconnu aujourd’hui comme l'un des pionniers d’une pratique sportive qui fait aujourd’hui des centaines de millions d’adeptes dans le monde : le jogging.
Mais faisons d'abord un bond dans le passé. Né à Auckland en 1917, Arthur Lydiard est sportif depuis ses plus jeunes années. Celui qui a grandi à quelques kilomètres de l’Eden Park, le stade mythique des All Black, se tourne naturellement vers le sport national : le rugby. Pendant quelques années, le jeune homme est à l’aise avec un ballon ovale dans les mains. Son équipe remporte même le championnat local de la ville.
La découverte de la course et pas mal de porridge
Mais la discipline qui lui a probablement sauvé la vie comme il l'affirme lui-même (une blessure l’a dispensé d’être envoyé au front pendant la Seconde Guerre mondiale) n’est pas celle qui l’a profondément bouleversée. Celle-là, il la découvre en 1943 grâce à un entraîneur sportif qui l’invite à courir avec lui quelques kilomètres qui vont alors tout changer.
« Mes poumons et ma gorge me donnaient l’impression de brûler de l’intérieur, j’avais la sensation d’avoir des jambes en caoutchouc. Je pensais être en forme grâce au rugby, mais il m’a prouvé à quel point je me mettais le doigt dans l’œil », explique plus tard Lydiard. « Pour la première fois, je me suis posé la question de ma forme physique. Si je suis dans cet état à 27 ans, dans quel état serai-je à 47 ? » C’est le déclic pour le jeune homme qui décide de reprendre son corps en main.
Pendant plusieurs années, le Néo-Zélandais va se mettre à courir. Beaucoup. « Je courais deux fois par jour, et il m’arrivait de faire un marathon avant le petit déjeuner. Cela signifiait se lever à 4 heures pour se farcir un gros bol de porridge, une livre de steak et quelques œufs », raconte-t-il. À raison de 400 kilomètres par semaine (oui, oui, 400) il parcourt environ 50 000 kilomètres en neuf ans tout en affinant sa technique en fonction des réactions de son corps. Il observe notamment qu’il ne progresse plus au-delà de 160 kilomètres hebdomadaires. Il s’en contentera, et à raison. En 1953, il devient pour la première fois champion de Nouvelle-Zélande du marathon et réitère cet exploit deux ans plus tard. La même année, il représente même son pays aux Jeux du Commonwealth.
Une méthode d’entraînement ultra-stricte
Quelques années plus tard, il prend sous son aile deux jeunes gens intéressés par la course à pieds qui le propulsent bientôt comme l’un des meilleurs coach de l’histoire. Leurs noms, Murray Halberg et Peter Snell. « J’ai rapidement su qu’Arthur était le genre d’homme que l’on suivait et écoutait naturellement », explique Murray Halberg. « Il était un leader. Il parlait et agissait comme tel. Ma première impression fut celle d’un type qui n’irait pas par quatre chemins. Il parlait de façon sensée, sans théorie superflue… Je sais aujourd’hui que si je ne l’avais pas rencontré, je n’aurais eu aucune chance, même minime, d’arriver où je suis maintenant. »
« C’est incroyable quand on y repense, je suis passé en quatre ans de troisième de ma course au lycée à champion olympique », raconte de son côté Peter Snell en se remémorant sa première séance d’entraînement. « Mes jambes ne me portaient plus, même pour marcher, j’étais allongé contre une barrière… »
Oui, Arthur Lydiard est sans pitié. Avec le temps, il a le temps de mettre au point des séances d’entraînements basées sur deux principes auxquels tous les athlètes, du 800 mètres au marathonien, doivent se soumettre. Premièrement, ils doivent tous parcourir 160 kilomètres par semaine. Pas plus, pas moins. Le second principe consiste à observer un plan d’entraînement strict. À l'époque, tous les entraîneurs savent déjà qu’il faut alterner des séances de sprint et des séances d'endurance. À ça, Lydiard ajoute un entraînement annuel fondé sur plusieurs cycles personnels qui permettent d'amener les athlètes à leur meilleure forme pour les compétitions.
La popularisation du jogging
Si certains pensent que la méthode d’entraînement employée n’a rien à voir avec le succès des champions olympiques, elle intrigue malgré tout, et le nom de Lydiard se propage rapidement. Petit à petit, celui qui a offert au pays ses deux premiers titres olympiques commence à donner des conférences où il explique à des gens à quel point le sport, et particulièrement la course, donc, est important. « Arthur sortait toujours la même phrase », explique le marathonien Barry Magee. « Vous passez plus de temps dans vos voitures que dans vos corps. »
À la sortie de l’une d’entre elle, Lydiard est approché par « trois PDG obèses récemment rescapés d’alertes cardiaques », comme il les décrit lui-même. Ils lui demandent si la course à pieds serait bien raisonnable pour eux, leur médecin leur ayant plutôt recommandé du repos. Lydiard suggère aux trois hommes de voir un cardiologue. « Et dites à ce cardiologue que vous avez envie de sortir, de marcher, de courir, bref, de vous remuer plutôt que de rester assis à attendre la mort ! » Les trois hommes suivent les conseils de Lydiard et se mettent à courir. D'abord quelques centaines de mètres. Puis quelques kilomètres. Et des dizaines... Leurs proches s’étonnent de leur forme et perte de poids. Certains décident de les imiter.
Les premiers groupes de joggeurs se forment. D’abord en Nouvelle-Zélande, où ils sont étrangement perçus, puis aux États-Unis, sous l’impulsion de Bill Bowerman, l'entraineur de l'équipe d'athlétisme de l'université de l’Oregon qui a rencontré Lydiard quelques années plus tôt. Le phénomène intrigue et la presse commence à s’y intéresser. Une vague de joggeurs déferle bientôt sur tout l’Oregon, puis le pays entier. Si Lydiard est perçu comme une star aux États-Unis, il manque encore de considération dans son pays natal. Il décide donc de donner des conférences à travers le monde. Des années 1970, époque à laquelle la discipline se mondialise - notamment grâce aux nombreuses marques qui vantent les mérites du jogging pour vendre des baskets - jusqu’à ce 11 décembre 2004, où peu de temps après en avoir donné une ultime dans une librairie texane, Arthur Lydiard meurt d’une crise cardiaque. Mais si l'homme n'est plus, ses idées courent encore, en même temps que nous.
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