Avec ses 5,8 kilomètres de long, le tracé du circuit Paul Ricard au Castellet qui accueille le GP F1 de France est l’un des plus longs du calendrier du championnat du monde de Formule 1.
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F1

Mais comment crée-t-on un circuit de F1 ?

Réglementation, premières ébauches, modélisation 3D : le maître d’oeuvre exclusif de la rénovation du circuit Paul Ricard raconte comment est conçu un circuit de Formule 1.
Écrit par Mathieu Fageot
Temps de lecture estimé : 5 minutesUpdated on
Ils ne sont qu’une poignée dans le monde. Une toute petite poignée d’architectes et ingénieurs spécialistes de la conception des circuits de Formule 1. Parmi eux, le cabinet varois Architecture 54 qui, depuis maintenant douze ans, est en charge de l’entretien, de la rénovation et de la modernisation du circuit Paul Ricard. Là même où aura lieu le Grand Prix de France 2022, le 24 juillet.
Tout commence en 2008, quand le cabinet reçoit un coup de fil du Castellet. Le circuit a besoin d’une toute nouvelle tribune de 4400 places. Malgré son manque d’expérience - et de connaissances - dans le monde du sport automobile, Thierry Lombardi, fondateur d’Architecture 54, accepte. « En tant qu’architecte, on a une faculté qui est qu’à partir du moment où on est capable d’intégrer des réglementations techniques, des règlementations urbanistiques et des modes de conception, géométriquement, on est capable de tout résoudre », explique-t-il.
Le cabinet Architecture 54 fondé par Thierry Lombardi a réalisé une nouvelle tribune de 4400 places pour le circuit de F1 Paul Ricard au Castellet.

Les nouvelles tribunes du circuit Paul Ricard

© Thierry Lombardi

Et il le prouve. En un temps record, le cabinet rempli sa mission. C’est le début d’une longue collaboration. « Très rapidement, le projet d’un circuit annexe a vu le jour et j’ai été en charge de le dessiner. J’ai travaillé dessus pendant un peu moins d’un an avant qu’il ne soit abandonné pour des raisons financières et qu’il ne se transforme en Driving Center, plus petit, et plus près du circuit. C’était notre premier vaste projet. »

Des règles à respecter

Comme pour tout travail de cette envergure, l’architecte n'oeuvre évidemment pas seul à la conception d'un circuit. « C’est le chef d’orchestre d’une équipe lourde en compétences », explique Thierry Lombardi. Et avant d'esquisser les premières courbes, un certain nombre de critères doivent être respectés. « Pour tout type de projet, de l’hôtelier, de la restauration, et donc du circuit automobile, on va avoir des réglementations. Là, elles sont éditées par la FFA et la FIA et sont très précises et compliquées. »
L'architecte d'un circuit de Formule 1 est le chef d’orchestre d’une équipe lourde en compétences explique Thierry Lombardi.

Le circuit Paul Ricard

© Thierry Lombardi

Elles vont notamment indiquer les références à suivre sur la sécurité, les vitesses de parcours, les distances d’arrêt, les logiques de positionnement des vibreurs sur les virages, les rayons de braquages, les longueurs minimum des lignes droites, les enchaînement à prévoir, la distance à respecter entre la ligne de départ ou encore le premier virage. Bref, tout un tas de paramètres qui contraignent peu à peu le dessin, auxquels s’ajoutent parfois d’autres contraintes comme la taille du terrain, qui peut déjà définir la forme qu’aura le circuit.

Comment dessiner des virages magiques

Si les lignes du circuit (virages, ligne droites etc.) sont dessinées par l’architecte, elle le sont après une longue analyse des circuits existants et une concertation avec de nombreux acteurs différents : « Pour le design, on fonctionne beaucoup par analogie », explique-t-il. Avant chaque projet, son équipe et lui analysent tout un panel de circuits et s'inspirent de ceux qui fonctionnent le mieux dans le monde, notamment en termes de dépassement.
Quand en 2016, Thierry Lombardi et son cabinet sont appelés pour refaire trois virages du circuit Paul Ricard, en vue de la reprise du Grand Prix de France, en 2018, ils étudient un tas de séquences d’enchaînements de virages gauche-droite, des surlargeurs (quand la piste s'élargit ndlr.)... « On s’est rendu compte que sur les derniers circuits F1, notamment à Austin, il y a des surlargeurs juste à l’entrée des virages, et on passe de 12 à 20 mètres de large pour pouvoir générer des dépassements. Donc on a pris tout ça en compte avant de le retranscrire sur le virage de la Verrerie, du Pont, et la chicane Nord du Castellet. »
Trois virages du circuit de Formule 1 Paul Ricard ont été modifiés en 2016.

En 2016, trois virages du circuit Paul Ricard ont été modifiés

© Thierry Lombardi

Le dépassement est donc l'un des enjeux cruciaux dans la conception d'un circuit, mais il peut vite devenir un casse-tête. « Pour les circuits voitures, on est sur des rayons constants dans les grandes courbes, alors qu'en moto on cherche à avoir des enchaînements plus techniques. Pour la conception du Carole 2, la FFM nous a par exemple demandé de concevoir des séquences d’enchaînements de virages à 90 degrés, entrecoupées de lignes droites, afin de générer des freinages différents et du dépassement. En courbe constante, c’est beaucoup plus difficile de le générer. »
Alors, pour l'aider dans sa tâche, « on prend toujours les conseils d’un ou de plusieurs pilotes, du directeur de course et de plusieurs conseillers parce que les pilotes et les directeurs de course vont fonctionner par ressenti et nous dire que dans tel virage il se passe telle chose, que c’est assez magique, qu’il y a du dépassement, de la vitesse, un freinage appuyé etc. Tous nos projets vont avoir besoin d’un étroit retour d’expérience de la part des utilisateurs. Tout le monde donne son avis sur le tracé. » Et une fois que ce dernier est validé, c’est le moment de la modélisation 3D, sur laquelle des simulations seront effectuées avant le début des grands travaux.
Il est très important de se demander ce qui se passe sur la piste, mais il est très aussi très important de savoir ce qui se passe autour
Thierry Lombardi
Bien sûr, un circuit ne se résume pas qu’à une simple piste conçue pour les pilotes. « Quand on imagine un circuit, il est très important de se demander ce qui se passe sur la piste, mais il est très aussi très important de savoir ce qui se passe autour », insiste l’architecte. « La réussite d’un tracé, ce n’est pas que l’évolution des voitures dessus, c’est aussi prendre en compte tout ce qui se passe à côté. Ce n’est pas juste la conception d’un circuit, c’est la conception d’un site qui soit fonctionnel et la vraie force de l’architecte, c’est d’entendre les besoins, de les comprendre, de les traduire et de les construire. »
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