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Johann Zarco pilote sa moto lors du Grand Prix d'Autriche de MotoGP à Spielberg, en 2023.
© Philip Platzer/Red Bull Content Pool
MotoGP
72 heures avec Johann Zarco : la résurrection du pilote de MotoGP™ français
Avant la dernière course de 2023 à Valence, en Espagne, nous avons rencontré le vétéran français, Johann Zarco, vainqueur de son premier GP après sept saisons au plus haut niveau.
Écrit par Matt Dunn
Temps de lecture estimé : 11 minutesPublished on
Cette édition de notre série 72 Hours With n'a jamais eu pour but de parler de victoires en MotoGP™, mais plutôt de ce qui pousse un pilote à continuer de concourir au plus haut niveau bien qu'il n'ait jamais remporté de courses dans la catégorie reine en six ans d'efforts. Mais tout a changé le 21 octobre à Phillip Island, juste au large de Melbourne en Australie, lorsque Johann Zarco a pris la première place d’un MotoGP™ de la plus belle façon possible : au cours d’une bataille multi-pilotes dans le dernier tour à laquelle il a mis fin en franchissant la ligne d'arrivée à plus de 300 km/h.
Il s'est emparé de la première place pour 0,201 secondes, avec à peine la longueur de sa propre Ducati Desmosedici le séparant de Francesco Bagnaia. Une victoire dont tous les pilotes rêvent. L'extase pure. Un rêve devenu réalité.
Seulement, ce n'est pas tout à fait ainsi que le Français - premier vainqueur de la Red Bull MotoGP Rookies Cup, deux fois champion du monde Moto2™ consécutif et, jusqu'à ce moment, 19 fois sur le podium en MotoGP™ - a décrit le fait de remporter un prix lors d’un week end MotoGP™.
Johann Zarco prend la tête lors du MotoGP d'Australie 2023.
Sa victoire en Australie s'est faite après une bataille effrénée© Gold & Goose/Red Bull Content Pool
Johann Zarco célèbre sa victoire sur le podium du Grand Prix d'Australie de MotoGP 2023 sur le circuit de Philip Island.
La victoire, sept ans après ses débuts en MotoGP™ © Gold & Goose/Red Bull Content Pool
« Quand vous êtes plus jeune, vous pensez que remporter une victoire en championnat du monde - pas seulement en MotoGP™ - ou même devenir champion du monde changera votre vie, parce que vous serez riche et que tout sera plus facile. Mais vu la façon dont ma carrière s'est déroulée, je n'ai pas eu cela. C'est sûr, j'ai une meilleure vie, plus riche financièrement, mais pas au point de ne plus avoir besoin de travailler et de simplement vivre sur une île. »
Nous sommes à Valence, pour suivre Zarco lors de la dernière course de la saison 2023. C'est un week-end particulièrement important pour lui car il s'agit de sa dernière course avec l'équipe Prima Pramac Racing Ducati. Il a fait son temps avec la marque italienne et passera l'année prochaine à l'équipe indépendante LCR Honda. Pour les non-initiés, il passe de l'une des meilleures motos de la grille à l'une des plus difficiles à piloter.
Ses chances de remporter un jour cette insaisissable première victoire en catégorie reine semblaient très minces. S'il n'avait pas franchi l’étape sur la Ducati cette année, il aurait gardé le titre malheureux de pilote avec le plus grand nombre de podiums MotoGP™ de l'histoire sans la moindre victoire. Une distinction qu'aucun pilote de moto ne souhaite.
La lutte pour le titre MotoGP™ s'est jouée sur le fil à Valence, entre le coéquipier de Zarco, Jorge Martín, et le pilote Ducati Pecco Bagnaia. Bien qu'il s'agisse d'une sortie spéciale pour le Français, disons qu'il a connu un week-end plus calme qu'il ne l'aurait espéré compte tenu des circonstances. Alors qu'il revient de trois mois de course dans la chaleur torride des circuits asiatiques, le Cannois s’est emmitouflé pour affronter les 15°C de la capitale de comunitat valenciana comme s'il s'apprêtait à partir en expédition dans l'Antarctique.
Réfléchissant aux changements immatériels survenus depuis ce jour-là, il déclare : « Quand on dit “Johann Zarco, MotoGP™ winner”, je me sens assez fier. Je fais partie de ce groupe de vainqueurs et j'en suis très heureux. Ça a vraiment touché l'ego, disons. Mais ce n'est pas le même sentiment que lorsque je l'ai fait et que j'ai franchi la ligne. Ce n'était pas une question d'ego à ce moment-là, je n'étais pas fier, j'étais heureux et soulagé. Maintenant, je peux respirer davantage et être heureux de l'avoir fait. C'est un sentiment de fierté. »
Ce sentiment de tout contrôler, ça crée une poussée d'adrénaline qu'il est difficile de trouver dans quoi que ce soit d'autre. C'est pourquoi vous continuez à le faire
Ce qui est amusant dans ces réalisations et ces victoires - et dans la nature humaine, pourrait-on dire - c'est qu'il ne suffit pas de remporter la victoire. Cela n'a jamais été le cas. C'est la façon dont quelqu'un gagne. En tout cas, pour la plupart des gens, c'est un facteur déterminant de la validité de l'exploit. “Une victoire sur le mouillé ? Ah, c'est plus facile. Certains pilotes ont chuté ? Eh bien, il faut essayer de gagner avec tous les participants encore en piste ! Ont-ils été distancé ? C'est ennuyeux !” Les amateurs de sport sont insatiables.
Mais la première victoire de Zarco ne souffre d'aucun débat. L'un des circuits les plus passionnants du calendrier, tous les principaux concurrents encore en lice et une course effrénée jusqu’au dernier tour.
Le pilote français Johann Zarco célèbre sa victoire avec son équipe lors du Grand Prix d'Australie de MotoGP 2023.
La victoire de Zarco a eu lieu quelques jours avant la fin de son contrat© Gold & Goose/Red Bull Content Pool
« D'un point de vue personnel, ce serait la même sensation, ce plaisir d'avoir gagné », dit-il. « Mais pour ce qui est de la façon dont les gens peuvent en parler par la suite, je préfère gagner de cette façon. Comme tout le monde le dit, c'est une vraie course ! »
« Si vous faites partie du circuit, une victoire est une victoire. Peu importe, il faut la prendre. Mais pour les gens qui regardent, il n’y a rien à redire. C'est mieux ainsi. »
Le calendrier des sports mécaniques s'allonge d'année en année, en particulier en MotoGP™ où les courses se déroulent désormais deux fois par week-end. Le samedi, le sprint à lieu, il représente la moitié de la distance du Grand Prix du dimanche. Le lendemain, la grande course se déroule comme habituellement.Le mantra « aller de l'avant » est tellement présent qu'on a souvent l'impression que les pilotes ont à peine le temps d'apprécier cette première victoire qu'ils doivent déjà se concentrer sur la suivante... si elle arrive un jour !
C'est pourquoi ce sentiment de satisfaction totale que nous procure Zarco est assez rafraîchissant. Et en regardant son histoire de plus près, il est facile d'en comprendre l'origine.
Lorsque nous avons organisé ce reportage, l'objectif était de découvrir comment un pilote peut concourir au plus haut niveau pendant si longtemps, en restant motivé. Même quand cela fait sept années complètes qu'il n’a pas franchi la ligne d'arrivée en première place. Parce que la course, c'est avant tout une question de victoire, n'est-ce pas ?
Johann Zarco célèbre sur le podium du Grand Prix de France de MotoGP sur le circuit du Mans.
Zarco lors de son premier podium, au Mans.© Gold & Goose/Red Bull Content Pool
Zarco a mené sa première course MotoGP™ en 2017 pendant environ un tiers du Grand Prix avant de chuter. Son premier podium est arrivé avec une immense pression sur ses terres, au Mans, lors de sa cinquième sortie. Qui aurait cru qu'il devrait ensuite attendre 115 week-ends de GP pour enfin décrocher la première place ?
Nous avons demandé à Zarco d'expliquer ce qui l'a poussé à continuer avant de goûter à nouveau à la victoire.
« Au fil des ans, cette idée s'est imposée dans mon esprit et dans mon corps », explique-t-il. « C'est incroyable de rouler à cette vitesse. Vous comprenez tellement de choses et vous devez être très, très bon dans tous les domaines pour maîtriser cette vitesse. Ce sentiment de tout contrôler, ça crée une poussée d'adrénaline qu'il est difficile de trouver dans quoi que ce soit d'autre. C'est pourquoi vous continuez à le faire. »
Portrait de Johann Zarco lors du Grand Prix MotoGP de Thaïlande, en octobre 2023.
Ces années au plus haut niveau ont donné un nouveau regard à Johann Zarco© Gold & Goose/Red Bull Content Pool
Pendant tout ce temps, il n'a peut-être pas remporté de GP, mais être capable de monter sur les podiums en MotoGP™ et passer à côté de la victoire pour quelques millièmes de seconde, cela fait de lui l'un des 0,1 % des 1 % des pilotes de moto les plus rapides au monde et, avec le temps, cela signifie quelque chose pour lui.
« Si vous restez uniquement dans ce monde et que vous ne voyez pas ce qui se passe à l'extérieur, vous pouvez devenir fou et oublier à quel point vous êtes rapide », poursuit-il. « Ensuite, lorsque vous vous entraînez (sur un circuit éloigné des week-ends MotoGP™) ou que vous rencontrez des pilotes d'autres catégories, vous pouvez voir à quel point vous allez vite. »
« Vous réalisez, ”wow, j'ai atteint un niveau auquel moi même je ne m'attendais pas”. Donc, pour moi, ce moment m'a permis de réaliser que tant que je me donne en MotoGP™, en essayant d'atteindre l'objectif, même si j’y arrive pas, je suis toujours l'un des pilotes les plus rapides. C'est quelque chose qui me fait me sentir bien. »
L'esprit de compétition est donc la clé. Pas d'une manière négative, exactement le contraire. Les pilotes ne sont pas des adeptes des médailles de participation mais, en même temps, trop nombreux sont ceux qui n'accordent pas à une victoire l’importance qu'elle mérite. C'est tellement plus difficile que ce que les fans et les compétiteurs croient. Par conséquent, il serait préjudiciable pour la plupart des pilotes de faire de la chasse à la victoire leur but semaine après semaine.
Zarco a quitté de manière inattendue son poste de pilote de l'équipe Red Bull KTM Factory Racing en milieu de saison 2019, alors que la moto était encore au stade du développement par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui, une machine à gagner.
Il révèle pourquoi il a arrêté : « J'avais peur de perdre mon côté pilote rapide. Vous devez pensez à la victoire, mais profiter de tout le reste pour apprécier votre moment. Vous ne pouvez le faire que si vous êtes mûr. Certains pilotes sont mûrs à 22 ans, d'autres à 30 ans. »
Mais la maturité peut être aussi bénéfique que néfaste pour de nombreuses carrières compétitives, en particulier pour ceux qui ont l'ambition non seulement de gagner, mais aussi de devenir des champions.
« J'ai compris à l'époque que pour être champion, il fallait un esprit spécial, un esprit égoïste. Parfois, quand on devient très bon, on n'a pas besoin d'être aussi intelligent et de comprendre ce qui se passe autour de soi. Il est rare de trouver un champion à l'esprit ouvert. C'est souvent dans ce cas que l'on devient plus lent, parce que l'on reçoit tellement d'informations que l'on perd le contrôle. S’il y en a trop, on ne roule plus naturellement. Quand je double d’autres pilotes, ils ne doutent pas de leurs capacités et cherchent d'autres explications quant à leurs résultats. »
« Moi, je suis peut-être trop à l’opposé. J'ai de très bonnes compétences, mais je pense parfois qu'elles ne sont plus suffisantes pour gagner ou monter sur les podiums. C'est pour ça que j'essaie de m’améliorer sur cet aspect. »
Johann Zarco roule sur le Red Bull Ring lors du Grand Prix d'Autriche de MotoGP 2019  lorsqu'il était pilote pour KTM.
La saison 2019 chez KTM a été un tournant pour la carrière du Français© Samo Vidic/Red Bull Content Pool
J'avais peur de perdre mon côté pilote rapide
Au moment de son départ de l’écurie autrichienne, beaucoup ont dit que c'était le début de la fin de sa carrière. Après tout, il avait 29 ans à l'époque. Après son départ à Misano, il est arrivé dans son camping-car à la course suivante, à la recherche d'une moto pour l'année suivante. Un soir, au coucher du soleil, il a quitté la piste sur son vélo, en regardant le paysage montagneux et désertique qui entoure le circuit, à la manière d'un héros déchu.
Je suis très heureux de tourner la page et de commencer un nouveau chapitre. J'ai fait mon temps chez Ducati
Cette période a cependant été déterminante pour Johann Zarco. Pour la saison 2020, il a rejoint Ducati et a mis fin à sa longue disette de podiums lors de la troisième course, en Tchéquie. Le reste de sa saison a été si bon qu'il a obtenu un siège chez Pramac, où il est resté jusqu'à ce dernier hourra à Valence, avec 12 podiums et cette première victoire à son palmarès. Une véritable résurrection pour sa carrière.
Il n’est pas passé loin de remporter une deuxième victoire avant de partir vers de nouveaux horizons, mais hélas, Bagnaia a tout donné pour remporter le titre de champion du monde pour la deuxième année consécutive avec une victoire d’étape. Il n'avait pas besoin de gagner puisque le titre était garanti, Jorge Martin ayant déjà chuté. Il aurait pu faire signe à Zarco de passer devant pour un adieu de rêve, mais comme vous le savez déjà, il n’en a rien été.
Le pilote MotoGP Johann Zarco fait ses premiers essais sur sa Honda à Valence avant la saison 2024.
Zarco fait ses premiers essais sur sa Honda avant 2024© Gold & Goose/Red Bull Content Pool
Le désormais vétéran français accepte que son temps sur la moto la plus compétitive de la catégorie soit terminé, potentiellement tout comme sa capacité à remporter une nouvelle victoire en MotoGP™. Mais quoi qu'il en soit, il n'y a pas de regrets, confirme-t-il : « Je suis très heureux de tourner la page et de commencer un nouveau chapitre. J'ai fait mon temps chez Ducati. »
Il a révélé après la course qu'il s'était mis beaucoup de pression ce week-end, non pas pour remporter une deuxième victoire, mais parce qu'il voulait finir 2023 avec la cinquième place du championnat. La deuxième place a fait l'affaire et le n°5 entrera dans les stands du LCR Honda la saison prochaine en tant que cinquième pilote le plus rapide de la planète.
Mais qui peut dire qu'il s'agit du véritable début de la fin ? Comme il le disait ce jeudi lors de notre interview, en reprenant les mots de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. ». En tout cas, le rendez-vous est pris pour 2024.
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