On revient sur les nombreuses adaptations vidéoludiques de la franchise de jeux vidéo JoJo’s Bizarre Adventure.
© Bandai Namco Entertainment
Games

L’histoire d’amour entre JoJo’s Bizarre Adventure et les jeux vidéo

Le best seller JoJo’s Bizarre Adventure revient cette rentrée sous forme d’un anime et d’un jeu de baston : une occasion de revenir sur les nombreuses adaptations vidéoludiques de cette franchise.
Écrit par Samuel Lévêque
Temps de lecture estimé : 12 minutesPublished on
Carton éditorial de l’éditeur Shueisha depuis 35 ans avec plus de 120 millions d’exemplaires vendus, pilier des magazines Shonen Jump puis Ultra Jump, le manga d’action rocambolesque JoJo’s Bizarre Adventure n’en finit pas de séduire des générations de lecteurs et de lectrices à travers le monde. L’œuvre d’Hirohiko Araki, particulièrement dense, met en scène les différentes générations de la famille Joestar vivant des aventures insolites et souvent violentes à travers le monde. Des péripéties impliquant généralement de se mettre sur la tronche avec des antagonistes flamboyants via l’usage de Stands, des manifestations psychiques de leurs utilisateurs dotés de pouvoirs variés et souvent très alambiqués. Des personnages hauts en couleur, des combats, des pouvoirs : JoJo’s Bizarre Adventure apparaît comme un sujet de choix pour le monde du jeu vidéo. Et pour cause, si la série a eu des hauts et des bas en termes d’exposition médiatique, elle a été adaptée pas moins d’une bonne douzaine de fois.
Le jeu vidéo JoJo's Bizarre Adventure: All-Star Battle R.

JoJo's Bizarre Adventure: All-Star Battle R

© Bandai Namco Entertainment, 2022

01

JoJo fait ses premiers pas

Tout n’était pas gagné d’avance. Il faudra en effet plus de six ans à la série d’Hirohiko Araki pour connaître sa première adaptation vidéoludique. Ce n’est pas tout à fait une surprise : les trois premières années de publication de la série n’ont pas du tout le ton qu’on leur connaîtra par la suite. Les premiers arcs narratifs, Phantom Blood et Battle Tendancy mélangent histoires de vampires victoriens, road trips avec des robots nazis et recherche d’artefacts anciens. Moitié Lovecraft, moitié Indiana Jones, les premiers moments de Jojo’s Bizarre Adventure se démarquent assez nettement de la production de manga Shonen de baston prévalant alors dans les pages du Jump. Les pouvoirs des différents personnages manquent encore de clarté, et il faudra quelques années encore pour que les Stands fassent leur apparition.
Néanmoins, la popularité des aventures de la famille Joestar va grandissant, ce qui conduira la Shueisha à faire figurer Jonathan et Joseph en tant que personnages recrutables dans la série de RPG Famicom Jump. Ces jeux, totalement inconnus en Occident, furent développés sur Famicom en 1989 et 1991 par Toge et Chunsoft et distribués par Bandai à l’occasion des 20 ans du magazine. Les deux jeux furent de petits cartons commerciaux. Pas franchement surprenants vu les tirages que le Jump affichait alors avec près de sept millions d’exemplaires par semaine, mais ces jeux de rôle ne sont néanmoins pas franchement des réussites techniques.
De manière assez classique, Famicom Jump : Hero Retsuden et Famicom Jump II: Saikyō no Shichinin utilisaient une histoire prétexte de multivers pour forcer différents héros et héroïnes des séries phares du magazine à s’allier pour combattre des méchants. Outre nos deux JoJo, on y croisait Arale Norimaki, Ryo Saeba, Kenshiro, Son Goku… Mais aussi quelques personnages moins connus chez nous comme Ta-Chan, Ryotsu Kankichi ou encore Maeda Taison. Un micmac de franchises qui fonctionne assez mal manette en main : dans le premier épisode, Toge fait le choix de multiplier les styles de gameplay et les identités graphiques sans donner d’unité à l’ensemble. On saute donc du RPG approximatif au hack and slash imprécis en passant par le shoot them up boiteux, le tout étant surtout un prétexte à fourrer un maximum de personnages en un minimum de temps pour faire plaisir aux fans. Le jeu, vendu plein pot, pouvait ainsi se boucler en moins de cinq heures. Le second épisode, développé par Chunsoft, est beaucoup plus beau et plus jouable. Mais ce clone de Dragon Quest est encore plus court et sort sur une NES en fort déclin face à la nouvelle génération de consoles. Bref, l’entrée de Jojo’s Bizarre Adventure dans le monde du jeu vidéo se fait par la toute petite porte.
La Couverture de Famicom Jump : Hero Retsuden.

Couverture de Famicom Jump : Hero Retsuden

© Tous droits réservés à Bandai Namco Entertainment et Shueisha

02

Dans les années 90 et 2000, la bagarre bat son plein

En 1989, Araki lance Stardust Crusaders, qui devait alors être l’arc narratif final de Jojo’s Bizarre Adventure. Une prédiction on ne peut plus ratée, la série étant toujours en cours de parution avec 131 tomes parus en 2022. Refusant de scénariser un tournoi (passage quasi obligatoire des séries du Jump à cette époque), le mangaka convainc son éditeur de le laisser faire un road trip ou sa troisième génération de héros parcourt la planète à la recherche du maléfique Dio. En chemin, nos héros doivent combattre des antagonistes disséminés tout au long de leur route, selon une formule du « monstre de la semaine » qui fonctionne à merveille. C’est dans cet arc qu’apparaissent les Stands, des entités psychiques luttant à la place de leur porteurs. Les Stands sont un terrain de jeu sans précédent pour le mangaka. S’ils ont au départ très sages (courir plus vite, frapper plus fort) les pouvoirs conférés par les Stands deviennent rapidement beaucoup plus élaborés (manipuler le temps, créer des espaces, prédire l’avenir via des images…) et deviennent le gimmick central du manga.
La saga devient alors extrêmement populaire, et les années 90 la verront déclinée en nombre de produits dérivés : des histoires audio inédites sous forme de drama CD en 1992, un animé et des romans en 1993, un manga spin-off en 1997 et, bien entendu, des jeux vidéo. Le premier d’entre eux est une nouvelle fois un RPG, tout simplement nommé JoJo's Bizarre Adventure qui paraît en 1993 sur Super Famicom. Comme les précédents, il ne quittera jamais les frontières du Japon à l’exception d’une fantrad en 2013. Jeu assez bizarre à l’interface plutôt désagréable, JoJo's Bizarre Adventure reprend les événements de Stardust Crusader sous forme de jeu de rôle en side scrolling au tour par tout mélangeant de légers éléments de point and click. Un peu à la manière d’un Shin Megami Tensei, on peut y utiliser des options de dialogue en combat ainsi qu’un système de cartes de tarot utilisé pour percer les points faibles des adversaires. Le jeu multiplie les petites idées avant-gardistes mais peine à marquer son temps, une faute due à ses graphismes grossiers, ses menus très rigides et son système de combat pas très agréable. C’était sans doute une trop grosse franchise à gérer pour le tout petit studio Winkysoft et son tout aussi petit éditeur Cobrateam, deux sociétés spécialisées dans les adaptations fauchées de licences à succès. Néanmoins, ce jeu est un premier pied dans la porte qui permettra à d’autres adaptations de voir le jour sous une forme plus attendue, à savoir le bon vieux jeu de baston 2D.
Lui aussi intitulé JoJo’s Bizarre Adventure (parfois affublé du sous-titre Heritage for the Future) et adaptant toujours Stardust Crusaders, le second jeu adaptant la série paraît en arcade en 1998, alors que le cinquième arc de la série, Golden Wing continue de s’écouler comme des petits pains. Pour la première fois, la Shueisha y a vraiment mis les moyens . Le jeu est édité par Capcom, qui confie le développement à l’équipe responsable de Street Fighter III. JoJo’s Bizarre Adventure version 1998 connaîtra une sortie console au Japon l’année suivante sur PlayStation et Dreamcast et sera même porté à l’international, où la franchise JoJo reste alors relativement obscure. Les différentes versions consoles multiplient le nombre de personnages et les ajouts cosmétiques comme le veut la grande tradition Capcom, et les ventes suivent à merveille. Le titre sera plébiscité dans les salles d’arcades, se vendra à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires sur console et aura même le bénéfice d’un remaster en 2012. Il conserve par ailleurs une solide base de fans continuant de s’affronter via l’émulateur Fightcade. Il faut dire que le rendu est superbe, les sprites sont fluides et détaillés, et la direction artistique retranscrit parfaitement l’univers baroque du manga. Pour la première fois, on a vraiment le sentiment que le gameplay nous permet d’utiliser des Stands et nous laisse nous déchaîner sur nos adversaires à grands coups de « ora ora ora » synthétiques. Néanmoins, le jeu peinera à avoir un héritier direct.
Le jeu vidéo JoJo's Bizarre Adventure : Heritage for the Future.

JoJo's Bizarre Adventure : Heritage for the Future

© Tous droits réservés à Capcom et Shueisha

En effet, de 1999 à 2013, la franchise ne sera plus adaptée que deux fois en jeu vidéo, et pas pour des titres des plus marquants. Toujours développé par Capcom, GioGio's Bizarre Adventure tente en 2002 le passage à la 3D via le procédé graphique Artistoon, une variante du cel-shading supposée donner un effet dessin-animé aux graphismes. Cette adaptation sous forme de jeu d’action-aventure de Golden Wing et des aventures de son héros Giorno Giovanna sera d’ailleurs remarquée pour ce rendu esthétique amusant et soigné. Mais elle sera aussi rapidement oubliée, à cause un gameplay approximatif et basique qui peine cette fois à rendre compte de la spécificité des affrontements surnaturels de la série. Les portages occidentaux, initialement prévus, seront passés à la trappe. Plus triste encore JoJo's Bizarre Adventure: Phantom Blood paru en 2006 sur PlayStation 2 tente de re-raconter les débuts de la saga sous forme d’un Beat Them All aux teintes grisâtres et au rythme assez mou. Là-encore, le jeu ne sortira pas du Japon, faute de succès. Il faudra donc attendre les années 2010 pour que la série refasse son apparition chez nous.

2013-2022 : La JoJo mania

Le jeu vidéo JoJo's Bizarre Adventure: Eyes of Heaven.

JoJo's Bizarre Adventure: Eyes of Heaven

© Tous droits réservés à Bandai Namco Entertainment et Shueisha

À partir de 2012, la série JoJo's Bizarre Adventure connaît un énorme regain de popularité mondiale par le biais d’une très belle adaptation animée signée David Production, dont la sixième partie (Stone Ocean) est toujours en cours de diffusion sur Netflix. L’occasion pour la Shueisha de relancer le chantier des jeux vidéo tirés de la franchise, et de le faire sous la forme ayant le mieux fonctionné jusque là : la baston. JoJo's Bizarre Adventure: All Star Battle est confié à Namco Bandai Games, qui fait développer le jeu par CyberConnect2, des spécialistes du jeu de baston 3D à licence, à qui on doit également de nombreux titres du genre tirés des séries Dragon Ball et Naruto. Il s’agit là d’un jeu extrêmement ambitieux : 32 personnages jouables issus de tous les arcs narratifs de la série, un doublage intégral, six styles de combat, et une pléthore de DLC incluant des combattants bonus et de nouveaux challenges. Le jeu est un raz de marée au Japon, avec la note rare et impressionnante de 40/40 dans le magazine Famitsu et plus de 500 000 précommandes du jeu. Un succès qui pousse Shueisha et Namco Bandai à publier le jeu en Occident dans une version revue et corrigée, impliquant notamment un gros patch d’équilibrage. Le jeu sera moins bien reçu sous nos latitudes, mais y rencontrera néanmoins un petit succès d’estime au sein des fans de la saga. JoJo's Bizarre Adventure: All Star Battle reste d’ailleurs commercialement à ce jour le plus gros succès vidéoludique adaptant ce manga.
Depuis lors, JoJo reçoit quasiment une nouvelle adaptation par an sous divers formats plus ou moins étranges et parfois un peu opportunistes. JoJo's Bizarre Adventure: Stardust Shooters sort en 2014 sur iOS et Android sous forme de mini-jeu quelque part entre les billes et la pétanque. Beaucoup plus ambitieux, JoJo's Bizarre Adventure: Eyes of Heaven est un jeu d’action et de combat en arène de nouveau signé CyberConnect2 et reprenant les très grandes lignes du gameplay de All Star Battle et un mode story très développé et supervisé par Araki lui-même. Un jeu assez ambitieux, mais au gameplay un poil limité qui peinera à laisser sa marque, malgré un habillage plutôt classieux rendant hommage à l’esthétique de la série. Puis se succèdent deux jeux pour smartphone : JoJo's Bizarre Adventure: Diamond Records, petit RPG sympathique mais bourré de microtransactions invasives, et JoJo's Pitter Patter Pop!, simple petit puzzle game avec un enrobage JoJo apposé à la va-vite. C’est enfin le très inattendu JoJo's Bizarre Adventure Last Survivor de Bandai Namco qui arrive dans les salles d’arcade japonaises en 2019 sous forme d’un Battle Royale plutôt sympathique mais arrivant un peu après la bataille. Et il faut ajouter à cela la multitude de caméos des différents personnages de la saga dans tous les nouveaux jeux impliquant des personnages du Shonen Jump, dont le dernier en date est le curieux Jump Force, paru en 2019. En bref : une production régulière, à défaut d’être systématiquement de grande qualité.
Le jeu vidéo JoJo's Bizarre Adventure: All-Star Battle R.

JoJo's Bizarre Adventure: All-Star Battle R

© Tous droits réservés Bandai Namco Entertainment et Shueisha

Néanmoins, celui qui a constitué à ce jour l’adaptation la plus rentable du manga demeure bel et bien JoJo's Bizarre Adventure: All Star Battle. Il n’est donc pas étonnant qu’à l’occasion des 35 ans de la parution du manga, Bandai Namco ait annoncé JoJo's Bizarre Adventure: All Star Battle R, se situant quelque part entre un gros remaster et un petit remake. En effet, au jeu de base ont été ajoutés une quinzaine de personnages jouables (portant le total à 50), un nouveau doublage reprenant les comédiens doublant l’animé, une traduction dans une dizaine de langues, un rééquilibrage total du jeu et une tonne de contenus inédits. Difficile de dire pour le moment si cette nouvelle pierre dans l’édifice des jeux JoJo, paru le 2 septembre sur toutes les consoles du marché et sur PC, aura le succès escompté. Mais une chose est sûre : la famille Joestar n’a pas dit son dernier mot !
Télécharge ici et gratuitement l’application Red Bull TV pour profiter de nos vidéos, directs et événements de musique et de sports extrêmes sur tous tes écrans !