Le Français Pierre Gasly célèbre sa victoire sur le podium du Grand Prix d'Italie de Formule 1 2020 à Monza.
© Jenifer Lorenzini - Pool/Getty Images
F1

La bonne étoile de Pierre Gasly

L'opportunité était trop belle. Le 6 septembre 2020, au terme d'une course folle, Pierre Gasly remporte son premier Grand Prix à Monza et devient le héros d'un peuple qui attendait ça depuis 24 ans.
Écrit par Etienne Caillebotte
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Rien n'est tombé dans l'oubli, mais comment aurait-il pu en être autrement. De cette journée du 6 septembre 2020, Pierre Gasly a conservé toutes les reliques. « La coupe, le casque, la combinaison, les gants (…) j'ai tout gardé et mis ça chez moi. Un jour, je ferai encadrer ma combinaison et mes gants » prévient-il. Quand il foule, l'année suivante, les 5,793 kilomètres de l'Autodromo Nazionale di Monza en amont de la première séance d'essais libres du Grand Prix d'Italie, les images lui reviennent. « Ce sont les réflexions du pilote qui sont remontées, dit-il à l’Equipe. J'ai revu le film de la course, le déroulé des événements ».
Sans doute a-t-il frissonné en traversant le dixième et dernier virage du circuit lombard, moment choisi par le commentateur Julien Febreau pour hurler le mythique « Accélère, accélère ! ». Cette formule entrée dans l'histoire du sport français, à l'instar du « Après avoir vu ça, on peut mourir tranquille » de Thierry Rolland un soir de juillet 1998 ou du « Alors peut-être ?!» de Patrick Montel au finish du 4x400m féminin de Zurich, Pierre Gasly l'a entendu « des milliers de fois » depuis. Elle lui rappelle que cette victoire arrachée au bout du suspens a une saveur particulière, après 24 ans de privation. Retour en arrière.
Il y avait une bonne étoile avec nous aujourd'hui.
Pierre Gasly remporte son premier Grand Prix de Formule 1 en 2022, à Monza, en Italie.

Premier de la classe

© Peter Fox/Getty Images

Un jour, je ferai encadrer ma combinaison et mes gants.
Comme la coutume le veut, le rendez-vous est fixé au premier virage. Parti en 10e position sur la grille, Pierre Gasly se retrouve encerclé dans le peloton. Sur un tracé où il a souvent eu « énormément de malchance » dans les catégories inférieures, il s'accroche avec l'homme qui l'a remplacé chez Red Bull Racing : Alexander Albon. La monoplace tient bon. « La course de Pierre Gasly pouvait s'arrêter au premier virage, note Julien Febreau. Il est percuté par Alex Albon qui monte sur sa roue avant gauche. La suspension peut casser à cet instant et c'est terminé ». C'est le premier rebondissement d'une course au scénario rocambolesque.
Au 19e tour, alors que les organismes digèrent et que les paupières s'alourdissent, Kevin Magnussen est victime d'un problème mécanique qui le contraint à garer sa monoplace en bord de piste. La voiture de sécurité n'est pas de suite déployée et l'écurie de Faenza en profite pour tenter un coup de poker : arrêter Pierre Gasly pour lui faire chausser de nouvelles gommes. « Quand je suis sorti de la voie des stands, j'ai vu que les panneaux en bord de piste indiquaient que la voiture de sécurité était entrée, raconte-t-il. J'ai demandé à mon équipe à la radio si c'était une blague, car c'était vraiment le pire des scénarios pour moi ». Son ingénieur le rassure : la « pitlane » est fermée. Deux pilotes n'ont pas eu l'info et tombent dans le piège : Antonio Giovinazzi et, surtout, Lewis Hamilton qui, jusque-là, marche sur l'eau. Quand la voie des stands est ouverte trois tours plus tard, Pierre Gasly se retrouve 3e derrière Lance Stroll qui ne s'est pas arrêté et Lewis Hamilton qui sera potentiellement pénalisé. « On a vraiment eu du bol, on n'avait vraiment aucun moyen de prévoir ça, estime le Normand. Il y avait une bonne étoile avec nous aujourd'hui ».
Le pilote français de F1 Pierre Gasly devient, ce 6 septembre 2020 en Italie, le 109e pilote vainqueur de Grand Prix et le héros de tout un peuple.

Pierre Gasly célèbre sa victoire au Grand Prix d'Italie

© Mark Thompson/Getty Images

Pneus à l'agonie, DRS et « coup du dragon »

Au 24e tour, quelques secondes après le « restart », nouveau coup de théâtre. Charles Leclerc, alors positionné derrière Gasly, perd le contrôle dans la Parabolica et encastre sa monoplace dans le mur de pneus. Le Monégasque est indemne, mais la course est interrompue. C'est le moment choisi par la direction de course pour annoncer l'inévitable : Lewis Hamilton et Antonio Giovinazzi sont pénalisés d'un « stop and go » de 10 secondes, qu'ils doivent effectuer dans les trois tours après le second départ.
Dès lors, les principaux rivaux de Pierre Gasly s'appellent Lance Stroll, qui a pu chausser de nouvelles gommes pendant l'interruption mais rate son envol et rétrograde en cinquième position, et surtout Carlos Sainz. Parti dans le haut du « pack », l'Espagnol est au volant d'une monoplace performante depuis le début du week-end n'a aucun mal à se débarrasser des pilotes intercalés. Au 34e tour, il pointe en seconde position. L'écart est de 4 secondes. C'est le début d'une course-poursuite lors de laquelle le « chassé » Gasly ne commettra aucune erreur, gardant longtemps la McLaren à distance raisonnable et résistant dans les derniers mètres malgré l'ouverture du DRS et des pneus à l'agonie. « J'étais en glisse de partout et je me suis fait une grosse frayeur dans Ascari » concède-t-il à l'arrivée.
Mais qu'importe : Pierre Gasly devient, ce 6 septembre 2020, le 109e pilote vainqueur de Grand Prix et le héros de tout un peuple. Une belle revanche pour un pilote déclassé quelques mois plus tôt, mais qui n'a jamais douté de ses capacités. L'histoire, il le savait, était déjà écrite. « Je sais ce qui s’est passé et ce qui n’allait pas, admet-il au Monde à propos de sa pige chez Red Bull Racing. Les leçons ont été prises. J’aurais pu faire mieux certaines choses. J’ai ma part de responsabilité, mais comme toutes les personnes dans l’écurie. On aurait tous pu faire mieux ». Ce jour-là, il ne pouvait faire mieux.