Le pilote Red Bull Racing Max Verstappen est double champion du monde de Formule 1.
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F1

Red Bull Racing et Honda : mariage réussi

Début février, Red Bull Racing a officialisé un partenariat technique avec Ford, ce qui acte la fin d'une collaboration mouvementée mais fructueuse avec Honda. Chronologie.
Écrit par Etienne Caillebotte
Temps de lecture estimé : 5 minutesPublished on
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19 juin 2018 : le mariage arrangé

12 saisons, 57 victoires et 8 titres mondiaux acquis entre 2010 et 2013. Sur le papier, la relation entre l'écurie Red Bull Racing et Renault, son partenaire moteur depuis 2007, semble idyllique. Mais les rapports entre les deux entités, devenues rivales sur la piste depuis le retour du constructeur français en 2016, se sont distendues après le passage du moteur V8 au V6 Turbo qui plonge l'écurie de Milton Keynes dans une profonde crise sportive. « Si nous n'avons pas la possibilité d'être au même niveau que Mercedes, nous chercherons d'autres alternatives [au moteur Renault] » peste déjà Helmut Marko en 2014, comme le rappelle Sky Sports.
Pire : entre Renault et la Scuderia Toro Rosso, l'écurie satellite, le divorce est déjà consommé. La raison ? Un manque de fiabilité du moteur qui l'aurait privé d'une sixième place au classement constructeurs en 2017 au profit de... Renault. Pour la saison 2018, l'écurie de Faenza se tourne vers un autre fournisseur du plateau, Honda, qui sort de trois années blanches avec McLaren (9e en 2015, 6e en 2016, 9e en 2017) mais dont on ne doute, pas en interne, du potentiel.
« L'héritage de Honda en tant que constructeur et motoriste, et la pleine confiance que nous accordons à sa capacité à réussir, me fait croire que notre avenir ensemble sera prospère » prédit Franz Tost, directeur de l'écurie. Et il a vu juste : malgré quelques défaillances en course, les résultats de la « petite Scuderia » sont probants, du moins suffisamment pour convaincre les dirigeants du « top team », Red Bull Racing, de changer de fournisseur afin de mutualiser données et expertises. « Avoir deux équipes signifie que nous allons pouvoir avoir accès à plus de données qu'auparavant, admet Christian Horner. Nous croyons que travailler avec Toro Rosso et Red Bull Racing va nous permettre de nous rapprocher de notre but : remporter des courses et des championnats et bâtir de solides partenariats ».
La collaboration Red Bull et Honda a commencé en 2019.

Red Bull et Honda s'allient en 2019

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30 juin 2019 : le début d'une nouvelle ère

L'attente est interminable. Elle dure presque quatre heures. Mais après avoir minutieusement analysé la scène et interrogé les pilotes, les commissaires de course concluent que la manœuvre de Max Verstappen lors du 69e tour, bien qu'autoritaire, n'enfreint aucune ligne du règlement. En début de soirée, bien après les célébrations, ils entérinent la sixième victoire en carrière du Batave, sa première de la saison. Et quelle victoire : en remontant méthodiquement plusieurs positions grâce à des manœuvres audacieuses et un passage tardif aux stands, Max Verstappen confirme sa bonne dynamique. Il a déjà sécurisé deux podiums à Melbourne et Barcelone et s'affirme de plus en plus comme l'unique concurrent crédible de Mercedes.
En 2006, Red Bull Racing Honda remporte sa première victoire en championnat du monde de Formule 1.

Première victoire pour Honda depuis 2006

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Mais cette journée est aussi historique pour Honda, dont la dernière victoire en tant que manufacturier ou motoriste remonte, avant le numéro du Néerlandais au Red Bull Ring, au Grand Prix de Hongrie 2006 avec un autre futur champion du monde dans la voiture : Jenson Button. C'est le retour au premier plan d'un acteur historique de la discipline, ainsi qu'un signal fort adressé aux sceptiques qui doutaient de la compétitivité ou fiabilité des groupes propulseurs du motoriste japonais après son mariage raté avec McLaren. « Parvenir à remporter à nouveau la victoire en Formule 1 est une réelle confirmation pour nous, admet Takahiro Hachigo, le PDG d'Honda, dans un communiqué. Depuis notre retour en catégorie reine, en 2015, il ne nous a pas toujours été facile d’atteindre ce but."
En fin de saison, le bilan comptable est pourtant flatteur : trois victoires (Autriche, Allemagne, Brésil), neuf podiums et deux poles. Ce qui devait être une saison de transition pave, finalement, la voie vers d'autres succès. « C'était notre premier changement de moteur en 13 ans et le partenariat avec Honda a très bien fonctionné dès le premier GP avec un podium à Melbourne, se réjouit Christian Horner dans les colonnes du journal l'Equipe. La fiabilité a été au rendez-vous, nous n'avons connu qu'un seul abandon à cause du moteur, à Bakou avec Gasly. Et chaque introduction d'une évolution a fait progresser la voiture ». Le directeur de l'écurie ne le sait pas encore, peut-être qu'il en rêve secrètement, mais la suite de l'histoire est plus belle encore avec trois titres mondiaux acquis en 2021 et 2022.

15 février 2021 : l'émancipation

 L'usine de l'écurie Red Bull Racing à Milton Keynes.

L'usine de Milton Keynes

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Souhaitant réduire ses émissions et atteindre la « neutralité carbone d'ici 2050 », Honda annonce, en octobre 2020, son retrait de la discipline pour la quatrième fois de son histoire après 1968, 1992 (en tant que motoriste) et 2008. Pour Red Bull Racing et la Scuderia AlphaTauri, l'équation est complexe, presque insoluble : la F1 ne dispose que de trois fournisseurs, Renault et deux concurrents pour le titre, Mercedes et Ferrari. Sans aucun accord, les deux écuries auraient dû, réglementairement, retourner dans les bras de leur ex, puisque « le règlement de la F1 stipule que le motoriste fournissant le moins d'écuries serait désigné d'office pour travailler avec Red Bull voire AlphaTauri » rappelle un journaliste de l'Equipe. Mais une autre solution, certes coûteuse mais plus acceptable, existe : acquérir la propriété intellectuelle des technologies des moteurs Honda, afin de développer sa propre unité de puissance en interne.
« Plus on regarde, plus on se rend compte qu'il n'y a qu'une seule option qui marche, admet Christian Horner. Mais bien sûr cela dépendrait de la réglementation ». Après de longues négociations, un accord de cession est signé en février. C'est la naissance de Red Bull Powertrains, la division moteur de Red Bull qui s'installe, comme un symbole, dans un bâtiment adjacent à celle dédiée au châssis, l'autre force historique de l'écurie. Menée par Ben Hodgkinson, débauché chez Mercedes, une équipe de plus de 300 personnes s'attelle à préparer « l'après Honda », qui mettra définitivement fin au partenariat en 2025. Le temps de remporter d'autres trophées ?